L’affaire des 12 enfants autistes américains sous l’angle de la neurodiversité

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Description de l’image : dans un salon, photo d’un bras blanc. Dessus, il est y dessiné un tatouage représentant l’hélice d’ADN en forme de symbole de l’infini pour la neurodiversité. Elle est multicolore. Source : https://www.reddit.com/r/tattoos/comments/becqes/acceptance_pride_in_being_autistic_neurodiversity/

Une affaire judiciaire fait parler d’elle, du moins aux États-Unis, pays des procès par excellence. Un homme, donneur de sperme pour différents laboratoires, est le père biologique de 12 enfants autistes, tous issus de femmes ayant eu recours à une PMA – procréation médicalement assistée. L’une d’elles, devenue mère de deux enfants autistes, a porté plainte et reçu un dédommagement… Les articles de presse citent cette histoire en exemple de preuve des origines génétiques de l’autisme, et s’étendent longuement sur le préjudice subit par cette maman.

Nous vous proposons une autre lecture de cette affaire.

L’autisme n’est pas un problème de santé

Que l’autisme soit en grande majorité génétique n’est pas une découverte pour qui suit régulièrement l’actualité en la matière. Qu’un même homme donneur de sperme ait pu avoir 12 enfants autistes est à ce titre… parfaitement normal !

Le don de sperme pour PMA est soumis à un questionnaire médical pointu, à une sélection par caryotype, et à un dépistage des MST – maladies sexuellement transmissible. La sélection par caryotype est l’un de ses fondements depuis la fécondation in vitro : aucun bébé trisomique ne naîtra par PMA…

Si l’homme concerné (connu comme le donneur H898) n’a pas parlé avant l’âge de trois ans, il n’avait par ailleurs aucun problème médical connu. Il correspond parfaitement au profil « attendu » dans les banques du sperme : une bonne situation sociale (il exerce comme photographe médical), une apparence extérieure agréable (pour preuve, le nombre de femmes à travers le monde qui l’ont choisi pour donneur, sur photographie), et une mesure d’intelligence élevée (nous reviendrons sur les limites évidentes de ces mesures d’intelligence dans d’autres articles).

La plaignante l’a initialement accusé d’avoir menti dans son questionnaire médical, pour cacher son autisme.

La conclusion du procès a démontré que ce n’est pas le cas.

Le donneur H898 ignorait très probablement jusque récemment qu’il porte des « gènes de l’autisme », et qu’il appartient lui-même au phénotype élargi des TSA – Troubles du spectre de l’autisme. Par ailleurs, son TSA constitue probablement un avantage dans l’exercice de son métier, la photographie médicale. En premier lieu, l’affaire des 12 bébés autistes américains démontre, de manière éclatante, que l’« autisme » n’est en rien un problème médical, mais constitue une variation normale au sein de la population humaine.

Aucun de ces 12 enfants autistes n’est condamné à la déchéance

… et certainement pas à cause de « l’autisme ».

Cette affaire nous rappelle l’exemple de Donald Grey Tripplet, le tout premier homme diagnostiqué comme autiste par Léo Kanner, durant l’enfance, en 1943, avec un profil « lourd », dit d’« autiste de Kanner ». Enfant, Donald Grey Tripplet ne s’intéressait pas aux autres, et répétait les mêmes phrases en boucle.

Retrouvé alors qu’il était devenu un vieux monsieur de presque 80 ans, Donald Tripplet a mené une vie riche : employé dans une banque, il a fondé une famille, voyagé dans différents pays, toutes sortes d’accomplissements qu’il n’aurait atteints s’il avait été institutionnalisé.

Par ailleurs, l’objectif pour ces enfants n’est pas forcément qu’ils deviennent tous autonomes et actifs, mais bien leur épanouissement, grâce à une qualité de vie hors institut.

Le soutien nécessaire dans l’enfance et à l’âge adulte sera certainement différent pour chacun de ces 12 enfants, mais par définition, aucun n’est prédestiné à une vie de souffrances. Rien ne permet de prédire comment les 12 enfants du donneur H898 vont évoluer. Certains auront peut-être un handicap lourd toute leur vie, un besoin de soutien important de la part de leur famille et de la communauté : il conviendra d’aider leur famille, et de leur apporter des soins pour réduire leur situation de handicap, ainsi que les éventuelles souffrances découlant de troubles associés (épilepsie, anxiété chronique…).

D’autres pourront trouver un emploi gratifiant, voyager, fonder une famille à leur tour… et continuer à prouver, par leur existence même, que l’autisme n’est pas une maladie.

Développer des tests de dépistage : une très mauvaise idée

L’université de Toronto s’est empressée d’instrumentaliser et de rentabiliser cette histoire en tenter de créer un test de dépistage prénatal de l’autisme.

Combien d’erreurs historiques faudra t’il accumuler avant d’intégrer que l’eugénisme est toujours une mauvaise idée ?

Nous savons grâce à une série d’études (Hirvikoski et al. 2016) que l’autisme n’est pas un facteur de mortalité, seuls les troubles associés (comorbidités, en langage médical) le sont.

Personne ne « meurt de l’autisme », mais chaque personne autiste souffrira du validisme posé sur elle.

Développer un dépistage prénatal revient à dévoyer l’objectif de soin initial (éviter à des êtres humains de souffrir inutilement), pour pratiquer l’eugénisme dans un but de confort pour la population majoritaire.

Aucune personne handicapée, quel que soit son degré de handicap, ne devrait voir son droit à l’existence remise en cause pour des questions de confort des valides ou d’attente de la part de la société. 

Nous nous y opposons formellement, de même qu’un grand nombre d’associations de la neurodiversité à travers le monde.

C’est l’essence même de notre mouvement associatif.

Et n’oubliez pas notre consultation sur le dépistage génétique et la bioéthique : https://urlz.fr/aIbt

Source :

  1. https://trustmyscience.com/12-enfants-autistes-concus-meme-donneur-sperme-gene-autisme/
  2. https://www.pressdemocrat.com/news/10058629-181/a-sperm-donor-fathered-12
  3. https://www.livescience.com/autism-cluster-sperm-donor-genetics.html
  4. https://metro.co.uk/2019/09/19/sperm-donor-fathered-least-12-children-went-autism-10773014/

Complément : « l’autisme » n’est pas facteur de mortalité : Tatja Hirvikoski, Ellenor Mittendorfer-Rutz, Marcus Boman et Henrik Larsson, « Premature mortality in autism spectrum disorder », The British Journal of Psychiatry, 208, 3,‎  2016, p. 232–238 (lire en ligne )

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