Ce vendredi 4 mars et samedi 5 mars a eu lieu à Arras la seconde édition du salon « Aspie Days destiné au syndrome d’Asperger et autisme sans déficience intellectuelle, organisé par l’association de parents Ass des As des Hauts de France. Ce salon est aussi destiné à une nouvelle catégorie étrange nommée “autistes apparentés” selon sa présidente Cécile Bouche.
Si l’association a été créée en 2007 par des parents ayant des enfants dits “aspergers”, il n’en reste pas moins qu’en 2022 , la catégorie vient officiellement d’être retirée dans la CIM 11, il n’y a donc plus aucune référence à ce syndrome dans la littérature scientifique et clinique.
On sait également que depuis l’édition des “Les Enfants d’Asperger” par Edith sheffer, Asperger était un fervent nazi qui a activement participé à l’élimination des enfants handicapés et aux programmes d’eugenisme. Asperger a sacrifié les autistes les plus handicapés pour préserver certains autistes vus comme plus utiles et productifs pour la société nazie. Le fait de continuer à utiliser ce nom pour qualifier une population démontre une volonté de démarcation des “autistes de haut niveau” des autres autistes vues comme plus “dysfonctionnels”, “non éducables” et moins “intelligents” .
Ce salon perpétue l’idéologie de Asperger voulant séparer les autistes sans handicap intellectuel et les autres en mettant l’accent sur l’importance du concept d’intelligence pour mériter de l’attention. On y trouve logiquement une conférence sur le haut potentiel alors qu’il ne représente qu’une minorité de personnes autistes. Laurent Mottron avait d’ailleurs été invité à la première édition en 2017 pour défendre sur des bases biologiques la séparation entre asperger de ce qu’il appelle l’autisme prototypique et syndromique. C’est exactement la même idéologie qui a servi à classifier les genres et des races par catégories en utilisant des études scientifiques biaisées pour tenter de prouver leur existence réelle.
Cette idéologie “bioessentialiste” a rangé des populations (femmes, noirEs, peuples colonisés, handicapés) dans des catégories arbitraires dans le but de déshumaniser et de construire un système de domination et de pouvoir sur ces populations. En prouvant une déficience innée de certaines catégories par rapport à d’autres vues comme “normales”, cela a permis de justifier par l’’’objectivité scientifique” leur exclusion sociale, leur infériorité et le pouvoir exercé sur elles. Si Mottron le fait dans un but positif pour valoriser socialement une “autre intelligence” , il maintient de fait comme les autres ces catégories arbitraires en produisant une nouvelle hiérarchie entre des “vrais autistes” ayant d’autres intelligences et les autres qui sont mal classifiés et moins “sauvables”.
Quand on parcourt le programme du Salon selon les objectifs de l’association : on se rend compte qu’il ne promeut qu’une vision capacitiste et capitaliste des vies autistes. Il faut avoir un projet de vie correspondant aux attentes du système économique : école, vie sociale, sexualité (hétérosexuelle), travail et logement (mais pas trop loin du pouvoir neurotypique grâce à l’habitat inclusif).
Le concept libérateur d’autodétermination est ainsi détourné selon une vision libérale consistant à porter individuellement le poids de l’adaptation aux attentes sociétales. On doit faciliter son inclusion en apprenant de meilleures habiletés sociales, en consultant des professionnels ayant des bonnes pratiques pour accéder à des droits basiques et sans conditions (éducation, logement, travail). Ce salon est d’ailleurs centré sur les aidants et les professionnels puisque seulement ⅓ d’autistes y assisteraient selon la présidente de l’As des Ass, à eux de construire le projet de vie et pas à la personne autiste de choisir sa vie, indépendamment d’un “projet”. La pair-aidance et le pouvoir d’agir sont seulement accordés aux autistes vus comme autonomes (entendu comme les plus valides et pouvant se gérer seuls), comme on peut le voir dans les GEMs construits pour exclure les autistes au-delà d’un certain niveau d’autonomie. Cela nie aussi le handicap et les besoins des autistes vus comme légers en les privant de l’aide dont ils ont besoin et en les forçant à être neurotypique et valide, au détriment de leur santé et de leur bien-être.
Ce salon renforce l’idéologie validiste, capitaliste et eugéniste grâce aux étiquettes de fonctionnement classant les êtres humains selon leurs capacités et leur utilité à la société. Ce salon est à l’opposé d’une vision émancipatrice du handicap basée sur les droits humains et sur l’égalité en donnant les moyens d’accomplir ses choix et sa propre vie : aménagements, acceptation, aide humaine sans conditions, adaptation des milieux de vie dès le départ.
Le collectif Handivergence, collectif antivalidiste de Lille, a condamné de façon argumentée ce salon : on ne peut que les rejoindre dans leur dénonciation de cette vision validiste et capitaliste des personnes autistes. Ce salon maintient la privation de droits et d’autonomie de la majorité de la population autiste, qui ne bénéficie pas d’aides humaines, d’adaptations et de moyens de communication appropriés pour accéder aux mêmes opportunités et aux mêmes droits que les autres.
Ce terme “Aspie days” est détestable et suprématiste, il perpétue et renforce nos discriminations et nos oppressions, il s’agit de suprématisme Aspie et il faut le dénoncer avec force.