Traduction du texte de Mel Baggs (Vol. 30 No. 1 (2010): Autism and the Concept of Neurodiversity), par Tarja Fauvet, Ombilic et le Pôle Contributions.
Cet article est dédié à feu Harriett McBryde Johnson, qui a encouragé les personnes handicapées à écrire non seulement sur les joies que nous partageons avec les personnes valides, mais aussi sur les joies propres à nos corps uniques.
De nombreuses injustices, grandes ou petites, affectent les personnes autistes. Aucune d’entre elles ne sont déconnectées des injustices qui arrivent aux autres. Aucune d’entre elles ne sont uniques. Les personnes autistes ne sont pas une catégorie de personnes spéciale, distincte du reste du monde. Nous ne sommes qu’un des nombreux types de personnes. L’oppression et l’injustice prennent des formes familières et déprimantes. Ma tâche ici est de gravir les monts du langage et de vous révéler la structure d’une ou plusieurs injustices.
L’accessibilité en fauteuil roulant est celle qui, – bien qu’elle puisse sembler minime par rapport à d’autres, – me gêne le plus au quotidien. Si, dans une société, les gens puissants sont ceux qui bâtissent tout ce qui les entourent et que ces gens puissants n’utilisent pas de fauteuils roulants, alors un utilisateur de fauteuil roulant sera certainement confronté à une difficulté particulière et terrible. Nous trouvons que peu importe où nous allons, la structure même de l’environnement nous exclut. Les comptoirs sont trop hauts, les escaliers abondent, les trottoirs s’arrêtent brusquement, les rampes n’existent qu’à quelques endroits, les fontaines à eau restent hors de portée et ainsi de suite. Bien que peu de personnes aient la véritable intention de nous exclure, le résultat est ce que Cal Montgomery (1987) (dans un essai qui ne traite pas que de l’accès aux fauteuils roulants) a qualifié de « coutumes corporelles et sociales qui semblent presque conçues pour m’exclure ».
Ce dont je veux vraiment parler, toutefois, c’est le langage. Comme les comptoirs, les escaliers et les fontaines à eau, le langage a majoritairement été conçu par des personnes allistes, cela a des conséquences manifestes, et voici ma plus grande frustration : les choses les plus importantes à propos de la façon dont je perçois et interagis avec le monde qui m’entoure ne peuvent être exprimées qu’avec des termes les décrivant comme l’absence de quelque chose d’important.
L’absence de discours. L’absence de langage. L’absence de pensée. L’absence du mouvement. L’absence de compréhension. L’absence de sentiments. L’absence de perception.
Se focaliser sur l’absence, c’est la manière la plus facile d’exprimer la présence de ces choses, bien plus importantes pour moi que ce qui est absent. Beaucoup de personnes autistes utilisent même ces mots pour se décrire. Certains d’entre nous le font en sachant parfaitement qu’il y a bien plus que nous ne pouvons pas dire. D’autres ont été dupés par le langage lui-même jusqu’à penser « Rien à voir ici ; circulez ».
Ce que je suis en train d’écrire ici est très personnel mais cela n’appartient pas qu’à moi. J’ai entendu des sentiments similaires exprimés par d’autres personnes autistes, bien qu’ils ne soient en aucun cas universels. Je ne devrais pas avoir à dire cela, mais dans un monde où les points de vue d’une personne autiste sont susceptibles d’être disqualifiés dans un des deux néants de « Mais nous ne sommes pas tous comme ça ! » et « Merci de m’avoir montré L’Expérience Autistique™ », cela doit être dit. Aussi, essayez de ne pas faire de suppositions en me lisant. La seule qui connaît assez bien ma vie pour pouvoir faire des déclarations définitives sur la réalité de mon existence, c’est la chatte qui dort blottie contre mon épaule droite. Elle a vécu avec moi jour et nuit pendant une décennie. Laissez vos stéréotypes sur les étiquettes de fonctionnement à la porte. Parfois j’ai l’impression que mes écrits sont étouffés par des avertissements sans fin, mais je sais que sans eux l’esprit de mes lecteurs sera probablement étouffé par des stéréotypes sans fin.
Jim Sinclair (1987), qui est autiste, intersexe et asexuel⋅le, a écrit un essai scolaire sur sa définition personnelle de la sexualité. On peut y lire notamment (je souligne en gras) :
La sexualité, c’est quand une personne me dit que je ne suis pas entier⋅ère, que ma personnalité est lacunaire, qu’une relation dans laquelle je donne tout ce que j’ai n’est pas « complète ». C’est entendre que, parce que je n’ai pas d’attirance sexuelle, je n’ai pas de sentiments ; parce que je ne ressens pas l’amour au niveau de mon entrejambe, je ne peux pas aimer du tout. C’est quand quelqu’un qui n’a même pas pris la peine de regarder mon monde le rejette comme un rocher stérile. C’est d’être qualifié⋅e d’inférieur⋅e à « quelqu’un qui est humain ». C’est le dénigrement de mes expériences, de mes sentiments et de moi-même. C’est quand mes facultés uniques sont rejetées comme des insuffisances sans espoir. La sexualité est un reproche.
Jim Sinclair (1987).
Substituez « sexualité » à « langage » et, plus qu’avec tout auteur que j’ai pu lire, vous vous rapprochez de ce que je ressens lorsque mes expériences les plus profondes et les plus intenses sont décrites uniquement comme un manque de langage, un manque de pensée, voire un manque d’âme.
Même quand ils sont dans un certain sens techniquement corrects, utiliser ces mots comme le moyen principal de décrire mes expériences, c’est comme les utiliser pour décrire une symphonie de Beethoven. « Trompeur » est le mot le plus poli auquel je puisse penser pour qualifier cette pratique. Et pourtant, alors que nous avons beaucoup de mots pour décrire une symphonie classique, nous en avons très peu pour décrire les façons dont l’esprit de tant de personnes autistes interagissent avec le monde qui les entoure. Voici donc le peu de mots que je suis parvenu⋅e à produire. Je ne dis pas ça comme si j’étais le présentateur de mon propre numéro de cirque mais plutôt comme si je faisais une déclaration politique face à un langage qui nie ma réalité à chaque instant. C’est une expérience, pas une théorie, et le but n’est pas de soutenir quelques théories que j’ai pu entendre, même celles qui lui ressemblent. C’est une tentative de décrire une expérience qui a été presque effacée de la littérature sur l’autisme.
Ma mémoire à long terme – comme celle de nombreuses personnes autistes que j’ai pu croiser – commence lorsque j’étais très jeune. Mes premiers souvenirs impliquent des sensations de toutes sortes. Couleurs. Sons. Textures. Parfums. Odeurs. Formes. Tonalités. Ce sont des mots très courts mais leurs significations sont longues, intriquées et complexes. Certaines choses retenaient mon attention, d’autres pas, mais toutes furent absorbées par mon esprit. Il est difficile d’expliquer à quelqu’un d’autre les modes de perception qui viennent avant ceux qu’il a lui-même. À part si les connexions de votre cerveau sont inhabituelles, je doute que vous ayez jamais, même étant enfant, perçu les choses de la manière dont je les perçois habituellement. Je ne doute pas que ce soit la raison pour laquelle beaucoup de gens voient ma perception du monde comme un gouffre creux — et non pas comme quelque chose qui n’aurait rien à envier en beauté et en foisonnement à la leur.
Ces impressions sensorielles se répétèrent assez longtemps pour me devenir profondément familières. De cette familiarité résultèrent des modèles qui furent le fondement pour d’autres motifs et, jusqu’à ce jour, tout cela continue d’être le socle de ma manière de comprendre les choses. Lorsque je dis motifs, cependant, la plupart des gens pensent que je parle de catégories. Je ne veux pas dire catégorie, dans aucun de ses sens courants. Je parle de choses qui s’emboîtent entre elles, selon certaines modalités, au-dehors de moi. Je parle de percevoir des connexions sans leur faire correspondre, de force, un schéma de pensée qui les contienne. C’est ainsi que je manie non seulement les impressions sensorielles mais aussi le langage lui-même. C’est pourquoi je fus capable de déduire quels mots allaient avec quelle réaction bien avant d’être capable de déduire la signification de ces mots et c’est pourquoi, jusqu’à ce jour, ma capacité à insérer les mots dans des motifs connus surpasse ma capacité à comprendre les mots en eux-mêmes.
Le langage conventionnel, cependant, est basé sur des catégories et non sur des motifs, et m’est en cela très pénible. Si j’essayais simplement de m’exprimer dans langue étrangère, je pourrais trouver un moyen de traduire entre mon système de motifs et les catégories des autres, mais en ce qui concerne le langage, c’est plutôt comme si j’essayais de m’exprimer avec un cerveau étranger.
La plupart des enfants rangent très tôt les choses dans des catégories proto-linguistiques et sont donc capables de comprendre la signification de certains mots avant de pouvoir les utiliser ; cependant, mes premiers souvenirs de parole impliquent non seulement une absence de compréhension de la signification des mots, mais surtout une absence de compréhension du fait même que les mots pourraient avoir un sens.
Cependant, je pouvais comprendre les intonations de voix. Cela pourrait aller à l’encontre de la vision qu’ont les gens de l’autisme mais j’ai remarqué que beaucoup de personnes autistes n’ont de problème à interpréter le ton de la voix que parce qu’elles sont occupées à déduire la signification des mots. Même Temple Grandin admet qu’elle ne peut pas écouter à la fois le ton de la voix et les mots qui sont prononcés. J’entends plus souvent le ton de la voix que les mots, c’est tout. Et les fois où je comprends les mots, je ne peux pas jongler avec les intonations au même moment. Une fois, j’ai rencontré une femme autiste qui pouvait chanter à tue-tête les tonalités d’une conversation sans dire un seul mot, et je la comprenais précisément parce que c’est ainsi que mon cerveau traite le plus naturellement les conversations.
Je peux aussi comprendre la manière dont certaines chaînes de mots en accompagnent d’autres. On peut en voir un exemple simple dans un échange comme « Merci » et « De rien ». Nul besoin d’avoir une grande compréhension de la signification des mots pour parvenir à saisir ce motif-ci. Mais j’ai une vaste carte, très complexe, de toutes sortes de motifs beaucoup plus longs et des situations qui vont avec. J’ai développé une grande partie de cette carte avant même de comprendre le moindre mot d’anglais et alors même que ma compréhension des mots a été très retardée, ma carte de motifs linguistiques ne cesse de s’enrichir, dépassant mon vocabulaire réceptif (i.e la quantité de mots que je comprends). C’est à l’opposé de la manière dont c’est censé fonctionner mais de ce que j’ai pu entendre, c’est plutôt commun chez les personnes autistes et hyperlexiques.
Les motifs linguistiques, cependant, ne sont que le sommet d’un iceberg beaucoup plus intéressant. Tout ce que je perçois – des mouvements de mon corps aux parfums dans l’air – pénètre mon cerveau et se répartit en motifs similaires. Certains correspondent à ce dont les autres sont en général conscients, certains non. Je considère ces motifs et connexions comme relevant davantage de mon langage que les mots qui apparaissent sur l’écran lorsque je laisse mes doigts utiliser le clavier ; et encore bien davantage que les mots qui sont sortis de ma bouche jusqu’à présent. Ils sont la manière dont le monde fait sens à mes yeux. Tout le reste n’est que l’artefact d’une mauvaise traduction.
J’utilise également beaucoup de formes de communication qui complètent ou supplantent le langage. J’ai un langage corporel que certaines personnes – surtout les personnes autistes – peuvent comprendre. Il y a la manière dont j’interagis avec les choses autour de moi à un moment précis, comparée à la manière dont j’interagis habituellement avec elles. Il y a les manières que j’ai d’organiser les objets et les actions, qui donnent des indices sur la direction et l’intention de mes intérêts. Je peux tapoter des rythmes généraux ou ceux de mes chiffres préférés (j’aime beaucoup le rythme du chiffre sept, par exemple). Je parle presque aussi bien que n’importe qui avec mes sens humains limités.
Toutes ces choses ne communiquent pas ce que le langage ordinaire communique et je ne vois aucune raison pour qu’elles doivent le faire. Ce sont des formes riches et variées de communication en soi et non des substituts inadéquats aux formes plus courantes de communication ; et, à l’instar de toute forme de communication, une partie m’est venue naturellement et j’ai dû apprendre le reste. Avoir dû les apprendre ne les rend pas moins réelles ou importantes que, par exemple, une langue maternelle que l’on apprend enfant.
Pour moi, le langage ordinaire se situe dans les nuages et je dois grimper ou m’élever jusqu’à eux simplement pour l’utiliser et le comprendre. C’est épuisant, peu importe que j’ai l’air à l’aise, ou que je dégage une impression de facilité. Le ciel me sera toujours une contrée étrangère. Parfois, c’est plus comme si je proposais des mots vers les nuages mais que j’étais trop crevé⋅e pour m’y élever ou même regarder avec un télescope pour capter ce qui se passe là-haut. Quand j’utilise les moyens de communication qui me sont plus naturels, pas besoin de quitter le plancher des vaches.
Ce qui me surprend le plus, c’est que peu importe à quel point je suis cohérent·e sur ce terrain – le sol –, beaucoup de gens s’évaluent en fonction de ma capacité à me projeter dans les nuages, que ce soit concernant le langage ou bien d’autres choses, passagères et non substantielles, que fait mon corps. Par conséquent, si j’ai un certain niveau de langage expressif, on s’attend à ce que je comprenne des choses que je ne comprends pas toujours et, si je manque d’un certain mode d’expression, alors mon univers tout entier est censé être vide et dénué de sens.
Un des autres enjeux ici, c’est ce que la plupart des gens appellent « penser » : le fait de jongler entre plusieurs niveaux de symbolique et d’abstraction. Pour moi, tout ça se passe dans les nuages. Le genre de pensées qui se trouve à mon niveau, ce sont les motifs et les connexions dont j’ai déjà parlé, mais la plupart des gens ne les considèrent pas comme de la pensée. Il semblerait que ce soit parce que les gens ont une seule chose en tête lorsqu’ils parlent de “pensée”. Ils attendent de la pensée qu’elle surgisse avec une bonne dose de fanfare cognitive, afin qu’ils puissent s’entendre ou se regarder penser. Ils attendent d’elle qu’elle contienne un symbolisme abstrait et arbitraire de quelque sorte que ce soit, et qu’elle se réfléchisse sur elle-même. Ils n’attendent pas de la pensée qu’elle s’installe si discrètement qu’on la remarque à peine, ou pas du tout. Ils ne s’attendent pas aux relations, connexions et motifs bien plus directs qui se forment entre une chose et une autre, et ils n’ont probablement que très rarement l’occasion de percevoir les pensées plus discrètes qui cheminent dans leurs esprit, accaparés qu’ils sont par le vacarme des plus bruyantes d’entre elles. C’est pourtant la manière dont mes meilleures pensées, celles qui me sont les plus familières, fonctionnent. Les sur-pensées tonitruantes du ciel sont irritantes et écrasantes, tandis que les pensées des bas-fonds, plus calmes, me montrent finalement les choses qui m’importent le plus.
Je vous dis tout cela non pour vous instruire sur les particularités de l’esprit d’une personne autiste mais plutôt pour esquisser le tableau de la manière dont je perçois le monde, et la richesse et la noblesse inhérentes à ces modes de pensée. Elle est tout sauf vide et elle est tellement davantage qu’un simple manque de ce qu’ont les autres.
Lorsqu’il m’arrive d’escalader les falaises du langage, je suscite des réactions étranges. Les autres ont vécu si longtemps sur la montagne qu’ils ont oublié l’existence même de la vallée d’où je viens. Ils appellent cette vallée la « non-montagne » et proclament qu’elle est sèche, stérile et terne car c’est ainsi qu’elle apparaît vue de loin. L’endroit d’où je viens est perçu comme « le monde des vraies personnes valides moins quelque chose ». Je sais, bien sûr, que la vallée où je vis est tout sauf désolée, tout sauf « une montagne moins la montagne ». Il y a toutes sortes d’arbres, dont la plupart ne peuvent pas pousser en altitude. Je plonge dans les criques et l’odeur des rochers y est éclatante. Je me roule sur le sol et l’odeur de la terre est sombre et satisfaisante.
Chaque expérience est comme un nouvel arc-en-ciel pour tous les sens et chaque chose se glisse dans un motif de sorte que je peux percevoir tout ce qui l’entoure. Bien sûr, la montagne offre également un tas d’expériences. Certaines sont les mêmes que dans la vallée et d’autres sont complètement différentes. Il est cependant difficile pour moi d’escalader cette montagne à tout bout de champ, alors je fais ces expériences moins souvent que les autres. Pourtant il y a encore plein de gens de la montagne qui parlent de la vallée uniquement pour ce qu’on n’y trouve pas, et c’est tout sauf une bonne description.
Une fois, quelqu’un a vu une photo de moi, et a dit qu’il se sentait désolé parce que je ne saurais jamais la richesse du monde qu’il connaît. Mais je me demande s’il est capable de regarder autour de lui et de voir des formes et des couleurs à la place des objets, et de cartographier les motifs de ces formes et de ces couleurs. Je me demande s’il comprend la beauté que je ressens ou seulement celle qui vient d’une différente forme de perception, plus filtrée – peut-être sous certains aspects plus efficace –, mais qui bloque irrémédiablement beaucoup de choses avant qu’elles n’atteignent la conscience.
Je me demande s’il comprend la danse dans l’attente de l’alignement des « fenêtres de lancement » (1), qui rendent les actions possibles et toutes les choses qui se passent en bas lorsqu’on attend l’ouverture de la prochaine « fenêtre de lancement ». Je me demande s’il comprend qu’avec chaque douleur provoquée par les fluctuations inattendues viennent aussi un rythme et la beauté. Je me demande si tout cela a du sens pour lui.
C’est donc une question de ce qui est et non de ce qui manque. Oubliez la notion d’un exercice d’équilibriste cosmique où un dieu impartial se baladerait un peu partout en nous retirant certaines choses mais offrirait un cadeau pour chaque sacrifice. Il est question ici du fait que celle·ux d’entre nous dont on considère simplement qu’on leur a tout retiré – qu’iels sont fondamentalement des déserts stériles – ne sont pas privé·es de la richesse de la vie en étant qui iels sont. La richesse de notre expérience n’est pas le substitut romancé de la richesse d’autres expériences. La richesse de la vie est là pour chacun·e, et le fait de la vivre ou pas ne dépend pas de si on est autiste ou pas.
Mes capacités cognitives et physiques variant énormément de jour en jour et d’instant en instant, je sais que cette richesse est tout autant présente lorsque je n’ai pas la capacité de distinguer une sensation ou un moment de l’autre, qu’elle l’est lorsque je m’engage dans une réflexion complexe. Elle est tout autant présente lorsque je suis entièrement immobilisé·e que lorsque je me balance d’avant en arrière en tapant rapidement sur mon ordinateur. Elle était tout autant présente lorsque je faisais une crise d’épilepsie toutes les dix secondes que maintenant que je suis théoriquement libéré·e de ces crises ; et tout autant présente lorsque je suis « cloué·e au lit » de douleur et de fatigue que lorsque je suis active et mobile.
Le problème avec les gens qui quantifient cette richesse, c’est qu’ils oublient complètement qu’elle est infinie en comparaison des plus immenses des capacités humaines finies. Un problème similaire apparaît lorsqu’on tente de quantifier l’individualité, à quel point un individu donné est une personne. La richesse de l’expérience que je fais du monde n’est pas réductible à une version plus limitée de l’expérience des autres.
Mes expériences ont leur propre richesse à laquelle les autres peuvent être sourds, et elles sont bien davantage qu’une simple absence de mouvement, de pensée conventionnelle, de discours, de langage ou de perception.
Mais comme le langage conventionnel ne me permet que ces termes, j’ai fait de mon mieux pour montrer le monde gigantesque et sublime d’expériences qui réside entre ces mots et par-delà les limites d’un langage qui n’a jamais été outillé pour le décrire.
(1) En astronautique, une fenêtre de tir, ou fenêtre de lancement, est un intervalle de temps au cours duquel les conditions optimales pour le lancement d’une fusée sont réunies.
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