« Face à l’autisme, un amour hors normes » : reportage fallacieux et blessant

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Si l’on se réjouit d’une meilleure représentation de l’autisme dans les médias, force est de constater que le modèle médical, valorisant des éducateurs héroïques face à des autistes forcément « agressifs », et « enfermés dans leur monde », reste le seul présenté.

Description de l’image : extrait du reportage de sept à huit. Une éducatrice tient un livre pour enfant avec des images à un autiste non-oralisant jeune adulte. Il fait une mou d’ennui et on peut penser qu’il est traité comme un enfant et que cela l’énerve.

Retour sur le reportage de TF1 « Face à l’autisme, un amour hors normes », diffusé le 26 janvier 2020 sur TF1 dans Sept à huit.

Dès les premières minutes, sur une petite « musique émouvante » jouée au piano, l’autisme est présenté aux spectateurs sous un angle négatif uniquement : « repli sur soi », « agressivité » (rappelons que la violence n’est pas un critère diagnostique) ; comme pour justifier pourquoi « ces enfants ont été rejetés par l’école, et parfois, par leur propre famille ».

Faut-il rappeler que le rejet de l’école pour cause de handicap constitue une violation de leurs droits de citoyens français, sanctionnée par le comité des droits de l’enfant à l’ONU ?

Vient ensuite le commentaire le plus insultant de l’ensemble : « les éducateurs tentent de fissurer la forteresse mentale dans laquelle les jeunes semblent enfermés, pour les amener petit à petit vers ce qu’ils appellent le monde ordinaire ».

Une référence très claire à l’immonde, à l’obsolète théorie de « La Forteresse vide », énoncée par Bruno Bettelheim…

Faut-il rappeler, en 2020, que l’autisme n’est pas une maladie mentale qui « enferme » dans une forteresse, dont il faudrait extraire ces pauvres prisonniers ?

            S’ensuit l’argument-massue de la souffrance : « 100 000 jeunes de moins de 20 ans souffrent d’autisme en France »… puis, l’ « injonction à tisser des liens », le rappel de la « violence »… enfin, le résumé de l’objectif de l’accompagnement associatif : « entrouvrir les portes » de l’univers des neurotypiques, forcément présentés comme un modèle supérieur à atteindre.

Le rejet scolaire nous est présenté dans ce reportage comme un fait, une fatalité : « aucun d’eux ne réintègrera une école classique », le tout sans jamais interroger les raisons structurelles de ce rejet, sachant que la France présente l’un des taux de scolarisation de personnes autistes les plus bas au niveau européen (voir, entre autres : )…

Nous invitons nos amis et sympathisants autistes de moins de 20 ans, qui ne souffrent pas de l’autisme mais bien du rejet scolaire, de la psychophobie, du validisme, du harcèlement… à écrire à la direction de TF1, pour corriger l’énormité selon laquelle les 100 000  autistes de moins de 20 ans ne souffriraient… que de l’autisme.


Remarques : 

1) On retrouve l’inversion de la culpabilité : le passe temps de l’éducateur est qu’un résident autiste mette un slip sous prétexte qu’on pourrait le stigmatisant en voyant la raie de ses fesses. Il s’agit de le soustraire du regard à la société au lieu d’interroger les préjugés qui déclenchent cette stigmatisation. On agit pour son bien en le privant de sa capacité de décision. En plus, il s’agit d’infantilisation car il peut comprendre ce qu’on lui dit. Au contraire, le fait de se confronter aux autres déclencherait un conditionnement collectif et une régulation du comportement au vu des remarques. Ce travail d’”autonomie” et ce validisme bienveillant nuit au développement de réflexes, de stratégies d’apprentissages sociales et en fin de compte à l’indépendance de ces personnes autistes. Le contexte institutionnel n’aide pas d’ailleurs à un développement cérébral suffisant.

Sur les besoins spécifiques, à aucun moment le sensoriel n’est interrogé : cela peut être le raison qu’il ne veuille pas de mettre de slips. 

2) On voit clairement qu’une résidente ne veut pas être touchée après une crise sensorielle : elle exprime un consentement négatif et les éducateurs ne le respectent pas. Les cris peuvent être simplement la répétition de cette expression. Les autistes peuvent avoir des problèmes praxiques ce qui fait qu’en état de stress émotionnel ils peuvent ne pas pouvoir parler de façon intelligible, le cri est l’unique recours pour exprimer sa désapprobation. Elle apprend dans ce centre que ses émotions, ses avis, ses ressentis et son consentement n’ont aucune valeur. Sa subjectivité n’existe plus. 

3) Seul objectif de la voix off neurotypique : établir des relations, c’est une analyse psychanalytique. Une mère dit qu’elle a été griffé durant ses efforts et est maintenant satisfaite qu’on lui fasse des bisous. Là encore les autistes apprennent que leur bien être ne compte pas et que leur individualité ne vaut rien. Ils doivent se conditionner pour respecter les désirs neurotypiques

4) “La salle de classe” est évidemment le seul moment où rien est imposé alors que le reste des activités centrées sur la normalisation de leur corps est obligatoire. Une éducatrice lit à un jeune adulte un livre pour enfant, il a l’air de s’ennuyer ou de trouver ridicule qu’on le prenne pour un enfant. Mais personne ne le remarque. Plus tard il exprime des désirs sexuels sans notions d’éducation sexuelle.

5)“C’est un peu le quotidien qu’ils ne veulent pas participer” “ils sont impatients de rentrer le week-end” disent des éducateurs, mais à aucun moment ils ne s’interrogent sur la fonction de ce centre. Le choix des activités et de leur emploi du temps n’est pas à l’ordre du jour. Et tant d’autres moments où le fait d’être soi n’est pas respecté au mépris des besoins spécifiques et des particularités sensorielles des personnes autistes. Ils ne peuvent pas être fiers d’eux dans ces conditions au vu du dénigrement systématique que les éducateurs manifestent à leur encontre.

La présomption d’incompétence se retrouve à chaque séquence où la voix off s’émerveille que les autistes comprennent ce qu’on leur dit où assistent à des sorties familiales sans aucun problème.

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