Réponse de Nicolas Joncour, de Maryna Py et du Pôle communication de CLE Autistes lors de l’audition à l’assemblée nationale pour la commission de la mission d’évaluation de la loi 2005.
L’autisme sévère serait – il une exception à la désinstitutionnalisation et au milieu ordinaire sous peine d’engendrer de grandes souffrances au quotidien?
Nicolas Joncour, militant autiste non oralisant dit “sévère” qui a pu grandir avec un engagement sans faille de ses parents et un accompagnement personnel nous transmet ces mots ‘Les êtres humains ne destinent pas injustement leurs semblables à un sort aussi terrible que devoir ne rien décider de sa vie. A part pour punir ou ne pas ignorer les efforts de leurs ennemis pour les décimer. Les survivants de l’ institutionnalisation demandent réparation et justice. En donnant aux autistes dits sévères souvent non oralisant l’enfermement comme seule destinée vous ôtez toute humanité à ces personnes. Si ce sont des personnes
Dans les Lignes directrices pour la désinstitutionnalisation ( 2022) le Comité des Droits des Personnes Handicapées de l’ONU rejette catégoriquement une telle idée, en affirmant que les programmes de désinstitutionnalisation devraient garantir à toutes les personnes handicapées l’accès, à un prix abordable, à divers services ordinaires de qualité, notamment à des fins de mobilité personnelle, d’accessibilité, de communication, de santé, de vie familiale, d’accession à un niveau de vie adéquat, d’éducation inclusive, de participation à la vie politique et à la vie publique, de logement, de protection sociale, et de participation à la vie culturelle, sociale et récréative, aux loisirs et aux sports. Les États parties devraient veiller à ce que l’accès aux services ordinaires soit exempt de toute discrimination et ne soit pas soumis à des conditions, suspendu ou refusé au nom d’évaluations, de l’aide obtenue de la famille ou des services sociaux, de l’observance thérapeutique, d’une quelconque décision établissant la « sévérité » du handicap ou de l’importance perçue des besoins d’accompagnement, d’un « problème de santé mentale » ou de tout autre critère d’exclusion. (§ 90)
Cette question part du principe que les personnes “sévèrement” handicapées souffrent grandement si laissés en dehors des institutions spécialisés.
Cette affirmation n’a aucune base réelle. Le Comité insiste que la condition d’une désinstitutionnalisation est l’existence et l’accessibilité d’un accompagnement en milieu ouvert, pour tous, indépendamment du degré et nature du handicap. Or, en France un tel accompagnement n’existe pas pour des personnes estampillées comme “sévères” laissant ces personnes et leurs familles organiser (et financer) cet accompagnement si elles le souhaitent. Laissées sans aucun soutien, elles rencontrent en effet d’ énormes difficultés. Il est simple de comprendre qu’une telle situation, avec un discours d’apitoiement sur les handicapées “sévères” et leurs familles et un terrain idéal de maintien des institutions qui se présentent comme “indispensables” pour une “certaine catégorie” du handicap. L’état catastrophique des institutions mêmes (désertion et absentéisme massives du personnel, maltraitances et négligence endémique, absence des projets d’inclusion) est naturellement omis dans ce discours, diffusé en premier lieu par des associations gestionnaires de ces institutions, avec l’implication directe de leurs intérêts financiers. Les cas des personnes sorties des institutions et progressant positivement en milieu ordinaire sont, eux aussi, peu ou pas médiatisés.
Il a été constamment démontré que l’estampillement des personnes comme appartenant à une catégorie des “trop différents” ou “trop vulnérables” est une prophétie auto- réalisatrice, justifiant en amont la ségrégation et facilitant l’oppression du groupe concerné.
La catégorisation des handicapés comme “sévères” les stigmatise rien que par l’utilisation du langage négatif, anéantie toute attente sociale envers les personnes concernées (et donc leur citoyenneté), perpétue l’idée qu’il y a toujours une catégorie qui serait fatalement exclue malgré les efforts positifs d’inclusion.
Quoi de plus, la catégorisation comme “sévère” est hautement problématique. Le terme “autisme sévère” par exemple est un terme opaque et généralisant, se basant sur un jugement subjectif des personnes non-autistes. Aucun test scientifique rigoureux ne peut établir le degrée de “sévérité”, la personne étant jugée par l’intensité de ses réactions (souvent à des actions inappropriées à son égard) et par l’altération de sa capacité d’expression verbale (ignorant d’autres capacités et modes d’expression). Ce terme est le fond de commerce du modèle médical qui rejette la faute sur la personne handicapée elle-même, en deresponsabilisant la société et l’état des leurs obligations constitutionnelles.
Le modèle social promu par la Convention de l’ONU part du principal du travail vers la suppression des barrières – et donc vers les aménagements qui permettent la pleine participation des toutes les personnes handicapées.
Au lieu de parler du niveau de la déficience ( ‘sévérité’), on parle désormais des niveaux des besoins et des projets personnels d’aménagement à la participation citoyenne.
On pourrait parler plutôt de sévèrement exclu et au contraire les personnes autistes dites sévères sont plutôt des références pour adapter radicalement la société. L’autonomie n’est pas pouvoir faire seul, alors que ça nous ajoute une charge cognitive et un coût énergétique, c’est pouvoir décider de ses propres termes.
Ainsi c’est avoir accès à l’aide dont on a besoin à un moment donné et les personnes doivent donc avoir accès à cette aide, et dès l’enfance puisque l’autodétermination est une compétence qui s’apprend très tôt. L’exemple de la coopérative JAG en Suède qui est une coopérative de personnes polyhandicapées totalement dépendantes et non oralisantes, elles sont accompagnées par des cercles de médiation qui décryptent leurs comportements de manière démocratique, jamais aucune décision n’est prise contre leur intérêt, il y a une aide à la prise de décision. Et cela commence souvent dès la naissance où les enfants sont accompagnés partout avec des assistants 24h/24h pour juste être comme les autres enfants (jouer, apprendre comme tous les autres enfants). Cela aide aussi les parents qui ne peuvent pas être tout le temps à devoir s’occuper de leur enfant . C’est pas du tout l’approche des associations gestionnaires qui ne font que gérer les personnes avec du soin comptable, court et rentable et elle ne vise pas la participation sociale, indépendamment du handicap de la personne.