Konbini fait l’apologie du meurtre des personnes handicapées, selon les concerné.e.s

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Cet article a été originalement publié sur le site Glamour Paris avant d’être retiré à la demande de Konbini. Il relatait la parole des concerné.e.s sur l’interview d’une mère infanticide Anne Ratier qui a tué son fils de 3 ans polyhandicapé il y a 30 ans.

Dans une vidéo publiée le 4 mars 2019, Hugo Clément, journaliste à Konbini, donne la parole à une femme qui a tué son jeune fils en situation de handicap. Un choix journalistique dénoncé par les personnes concernées, qui parlent d’apologie du meurtre par les valides.

Ce n’est pas la première fois que Konbini propose une vidéo sur la question du droit de vivre et de mourir. On se souvient, fin août 2018, de l’interview de Jacqueline Jencquel, une femme en pleine santé ayant planifié sa mort pour échapper à la vieillesse et à ses conséquences, comme la maladie ou le handicap. Un discours dénoncé par certains comme agiste et validiste (la discrimination des personnes vivant avec un handicap par les personnes valides). Le 4 mars, le média Web a franchi un nouveau cap, en publiant une interview d’une certaine Anne Ratier, conduite par Hugo Clément. Six minutes d’entretien, dans lesquelles elle explique avoir tué son fils en 1987, car elle ne supportait pas que celui-ci soit lourdement handicapé. Frédéric, qui avait trois ans au moment des faits, était tétraplégique, et ne pouvait pas communiquer verbalement ni se nourrir par lui-même, détaille-t-elle. Il n’était pas non plus, selon son médecin de famille, en mesure de reconnaître son entourage, mais pouvait rire quand il éprouvait des sensations agréables… Malgré cela, peu avant ces trois ans, sa mère l’a empoisonné, en accord avec son mari.

A aucun moment de l’interview, Anne Ratier n’exprime de remords ou de regrets, ni n’évoque une éventuelle souffrance physique ou psychologique de son fils pour tenter d’expliquer son acte. Elle donne par contre des détails dramatiques sur la lente mort de Frédéric, après trois jours de coma. Et fait la promotion de son livre, qui raconte cette histoire. Quant à Hugo Clément, il ne propose aucune mise en perspective du sujet, son travail se limitant à donner une tribune à Anne Ratier. L’interview n’évoque jamais le fait que notre société discrimine les personnes en situation de handicap, du regard porté sur elles avant même leur naissance à l’absence de structures adaptées, et que c’est cela qui crée des situations lourdes pour elles et leur famille. Pas de rappel non plus du fait qu’elles ont exactement les mêmes droits que les valides, ni qu’aucun argument ne peut pas légitimer un tel meurtre – Anne Ratier évoquant à l’envi l’amour et la miséricorde qui auraient motivé son geste.

Et si de nombreuses personnes valides ont trouvé le témoignage “poignant” et le geste d’Anne Ratier, “courageux”, les personnes en situation de handicap se sont emparées des réseaux sociaux pour dire leur colère. Dans un thread Twitter, Elisa Rojas, membre du Collectif Lutte et Handicaps pour l’Égalité et l’Émancipation (CLHEE), a notamment expliqué pourquoi ni la forme, ni le fond n’était acceptables.

D’autres, comme la militante féministe et handi @LeilaWarlock, ont pointé du doigt le caractère profondément validiste de la vidéo, qui a entrainé un “débat” sur le droit de vivre des personnes en situation de handicap. De nombreux internautes ont par ailleurs cherché à mettre sur le même plan la question du droit à mourir, qui implique un consentement clair, et ce qui reste un meurtre. Sans parler de ceux qui ont remis en cause la légitimité de la parole des militants et leur expertise sur le sujet.

Le twitto @hparadoxa a, de son côté, noté que la vidéo ainsi que les commentaires positifs faisaient l’apologie de l’eugénisme (l’ensemble des études et pratiques qui visent à “améliorer” la race humaine, au détriment de ses membres jugés “inutiles”).

Autant de prises de paroles à relayer en masse, afin de donner aux personnes concernées visibilité et soutien.

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