L’affaire Tyne Nys, symbole du manque d’inclusion des personnes autistes ?

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Pour une « histoire belge », celle de Tyne Nys pourrait être l’une des plus tristes qui soient. Un procès pour l’euthanasie d’une femme de 38 ans, diagnostiquée comme autiste deux mois avant l’injection finale, s’est ouvert le 22 janvier dernier. Les trois médecins accusés sont acquittés ce mercredi 29 janvier.

Lotte, Tine and Sophie Nys
Description de l’image : de gauche à droite en manteau noir et gris, Lotte, Tyne et Sophie Nys. Tyne est au centre entre ses soeurs. Crédit : le soir

            L’excellent résumé qu’en fait Janis Schaerlaeken nous éclaire quant aux implications sociales de cette affaire : : pouvait-on vraiment affirmer que Tyne Nys se trouvait dans une situation de « souffrance psychique incurable » ?

Tyne Nys

Tyne Nys ? Une femme de 38 ans, au passé lourd : tentative de suicide à 25 ans en 1997, plusieurs épisodes dépressifs… elle demande son euthanasie à Noël 2009, après une tentative malheureuse avec celui qu’elle considérait comme « l’homme de sa vie ». Tyne obtient les trois signatures de médecins nécessaires à sa demande, et meurt le 27 avril 2010, à son domicile, entourée de sa famille.

Oui, mais…

En février 2010, soit deux mois avant sa mort, Tyne fut diagnostiquée autiste.

D’après sa sœur Sophie, ce fait nouveau aurait dû motiver une nouvelle piste d’accompagnement thérapeutique, et interrompre la procédure de demande d’euthanasie. Cela pousse Sophie Nys à porter plainte en janvier 2011, accusant le 3e médecin d’avoir accepté trop vite la demande d’euthanasie de sa sœur.

Contextualisation Belge

La loi belge autorise depuis 2002 une euthanasie active pour maladie « grave ou incurable », entraînant une « souffrance physique ou psychique constante, insupportable ou inapaisable », si la personne concernée fait une demande « répétée ».

            En France, l’euthanasie est illégale. La loi Leonetti autorise la cessation des soins « si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d’abréger sa vie ».

            On constate, hélas, des tentatives militantes en France, telles que celle d’Anne Ratier en février l’an dernier, pour requalifier le meurtre d’un enfant polyhandicapé en « euthanasie » : rappelons que l’euthanasie doit découler d’une demande claire et sans ambiguïté de la personne directement concernée.

       Au niveau mondial, l’autorisation de l’euthanasie active pour « souffrance psychique » est en débat… notamment, au Canada, où elle questionne la diminution des moyens d’accompagnement pour les personnes en grande détresse.

Une nette augmentation des demandes d’euthanasie s’observe dans les pays occidentaux qui les autorisent (Pays-Bas, Belgique, Canada…), depuis au moins une vingtaine d’années.

Le suicide, première cause de mortalité précoce chez les personnes autistes

            Alors que le sujet a été abordé durant les concertations de la « stratégie autisme » auprès du gouvernement, force est de constater qu’il n’a suscité aucune réaction : le suicide constitue la première cause de mortalité précoce des personnes autistes hors institutions (voir la synthèse de l’association Autistica, et non, ce n’est pas « normal »

Contrairement à l’idée ancrée chez nombre de médecins et de politiques, notre condition de personne autiste elle-même ne génère pas ces idées suicidaire, c’est bien la stigmatisation qui en est à l’origine (voir cette traduction de Jean Vinçot, « Autisme : la stigmatisation sociale contribue à une mauvaise santé mentale ».

« le stress social lié à la stigmatisation vécue par les personnes autistes est prédictif de niveaux de détresse psychologique plus élevés, et de niveaux de bien-être émotionnel, psychologique et social plus faibles. Il est important de noter que les recherches montrent que ces formes uniques de stress des minorités pourraient expliquer les problèmes de santé mentale des personnes autistes au-delà des effets de formes de stress générales et quotidiennes non liées à la stigmatisation »

voir en anglais “Etendre le modèle du stress de la minorité pour comprendre les problèms de santé mentale rencontrés par la population autiste

L’autisme et la « souffrance psychique » ne sont donc pas intrinsèquement liés. Il y a fort à parier que les demandes d’euthanasie pourraient être fortement limitées grâce à des mesures concrètes de lutte contre la discrimination et la psychophobie.

Questionnements en suspens

            D’évidence, l’euthanasie accordée à Tyne Nys le fut en raison de ses épisodes dépressifs et  tentatives de suicide, l’autisme n’ayant été diagnostiqué que deux mois avant sa mort… Ainsi, si la « souffrance psychique » expérimentée par cette femme est, hélas, indéniable, le fait qu’elle puisse être « incurable » s’en trouve fortement remis en cause par des études récentes concernant la « souffrance psychique » des personnes autistes, ainsi que par l’absence de mise en œuvre d’aides relatives à son diagnostic d’autisme.

            Est-il juste, dans un tel cadre, de présenter la possibilité d’euthanasie comme une « liberté de choisir sa mort », plutôt que comme la résultante d’un désespoir chronique face à une promesse de « société inclusive » qui jamais ne se concrétise ?

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