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Nicolas Joncour – Discours d’ouverture 14ième Université d’été du CDLP Université de Galway 2023

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GALWAY : J’ai maintenant le privilège de vous présenter Nicolas Joncour, qui va faire le discours d’ouverture d’aujourd’hui.C’est un utilisateur de CAA, un étudiant autiste français non parlant, âgé de 23 ans. Sa biographie complète se trouve dans le programme, je me contenterai donc de vous en lire quelques extraits pour l’instant; Nicolas a choisi d’étudier le droit et la sociologie à l’université et s’intéresse à la mise en œuvre de la CDPH, en particulier à l’article 12 sur la capacité juridique, qui nous intéresse également beaucoup, Clíona et moi. Nicolas a travaillé dans de nombreuses organisations sur les droits des personnes autistes, y compris l’association française CLE Autistes, et est membre du bureau de l’ENIL Youth network. Nous sommes ravis d’accueillir Nicolas et de lui donner la parole. Merci Nicolas.

Nicolas Joncour : Je suis extrêmement honoré d’avoir la chance fantastique de parler aujourd’hui devant vous, pour l’ouverture de la 14ème Université d’été internationale sur le droit du handicap.

Je ne pouvais oniriquement entrevoir une opportunité si magnifique que celle de partager avec vous mes réflexions sur les pistes à suivre afin de pouvoir un jour constater un réel respect des droits des personnes handicapées dans nos sociétés.

Comme cette session porte sur les droits des enfants et des jeunes handicapés en vertu de la CDPH (Convention Relative aux Droits des Personnes Handicapées) des Nations Unie, j’espère que vous serez intéressé par mes expériences en tant que jeune activiste autiste non oralisant.

Nous sommes une magnifique communauté, et c’est le cœur plein d’espoir que je m’adresse à vous.

Vous avez certainement senti, comme moi, la lame acérée des doctrines validistes pourfendre vos existences en vous jetant la pierre et en vous étiquetant de sous-hommes.

Tant de fois, depuis l’enfance, j’ai été éreinté d’avoir ressenti tant de tristesse et de frustration, dû au manque de considération de la part d’un univers valide dans lequel nous sommes perçus comme des êtres cassés et inadaptés, qu’il faudrait réparer, enfermer ou neutraliser.

Le fait est, que dans le monde entier, des enfants et des jeunes personnes handicapées souffrent d’une exclusion massive, et pourtant invisibilisée. Être jeune et handicapé, c’est subir plusieurs stigmates relatifs au regard normatif imposé par nos médias, par nos dirigeants et par nos institutions. Mais on peut changer ces normes pour être tous des êtres accomplis, sujets de droit, individus uniques mais interdépendants. Il n’est pas facile de changer les mentalités lorsqu’à travers les siècles on nous a successivement jugé comme des abominations des choses à éradiquer, comme des sous-hommes à cacher, à enfermer, ou comme de pauvres êtres à plaindre, dont il faut avoir peur ou honte.

Effectivement, le passage de la conception médicale ou caritative du handicap vers le modèle social du handicap n’est pas encore fait. Mon pays, la France, a d’ailleurs été condamné à plusieurs reprises par le Conseil de l’Europe pour entrave au droit à la vie autonome et manquement aux obligations d’inclusion des personnes handicapées.

Je crois surtout qu’il est pour la majorité des dirigeants préférable de rester dans un schéma protectionniste et sécuritaire plutôt que vers une valorisation des diversités humaines et de l’adaptation de la société aux différences des gens pour assurer leurs libertés.

Je vais parler de mon parcours et vous faire part de mes réflexions sur les discriminations que les personnes avec un handicap cognitif subissent, surtout quand elles sont non oralisantes. Mieux nous défendre nous unit. Je suis né le 4 octobre 1999 à Rennes en Bretagne, une région qui ressemble un peu à l’Irlande. . J’ai eu la chance d’avoir des parents qui se sont toujours battus pour moi, pour que j’aie une vie comme tous les autres enfants. J’ai une demi-sœur qui a 22 ans de plus que moi, mais ce n’est pas qu’un demi-amour que j’ai pour elle.

Je fais partie d’une famille aimante et pour la plupart engagée. Force m’accompagne d’en avoir toujours été un membre, naturellement.

Les manifestations de mon autisme sont apparues assez tôt mais je n’ai eu le diagnostic qu’à 5 ans.

La France a beaucoup de retard, la psychanalyse est restée longtemps majoritaire dans l’approche de l’autisme, qui a longtemps été considéré comme une maladie C’est la Loi Chossy , loi qui date du 11 décembre 1996 soit 3 ans avant ma naissance, qui a reconnu l’autisme comme un handicap Aujourd’hui, beaucoup d’enfants autistes sont encore placés en hôpital de jour et suivis par des CMPP (Centres médico-psycho-pédagogiques) très souvent d’obédience psychanalytique, où on culpabilise souvent les familles, surtout les mères.

Tous les secteurs sont touchés, même la justice. Il y a eu par exemple l’affaire terrible de Rachel, à qui on a enlevé ses trois enfants, pour soupçon de syndrome de Münchhausen, alors qu’elle ne faisait que chercher des solutions pour ses enfants qui se sont bien avérés être autistes et hyperactifs Elle n’a droit aujourd’hui encore qu’à des visites supervisées malgré la forte mobilisation qui a eu lieu pour dénoncer ces pratiques injustes et scandaleuses.

L’association d’autistes française CLE Autistes, à laquelle j’appartiens, s’est aussi beaucoup mobilisée pour Timotée

Un jeune autiste enfermé en hôpital psychiatrique, alors que sa mère se battait pour sa scolarisation.

J’ai été quelques mois en hôpital de jour vers 4 ans, deux après-midi par semaine, cependant mes parents m’en ont retiré très vite et exigé une scolarité à plein temps mais non sans subir une forte pression

Je n’ai eu droit qu’à un mi-temps d’auxiliaire de vie scolaire.

Depuis la loi de 2005, les enfants sont scolarisés dans l’école de leur secteur, mais très tôt, dès la maternelle, ils sont orientés en IME.

Je ne connais pas personnellement ces institutions de l’intérieur

Les parents subissent une grande pression pour accepter ces orientations. Les délais pour avoir une AVS ou du matériel adapté sont très longs, les professeurs ne sont pas formés et souvent réticents La scolarité se passe alors mal et on dit aux parents que l’enfant serait mieux dans un établissement spécialisé.

Dans ces IME, il n’y a pratiquement pas de scolarité, surtout dans le cas des autistes non oralisants.

Le personnel est mal formé, il y a beaucoup de turn-over. Les bâtiments sont souvent à l’écart

Le silence des environs va de pair avec les cris perçants des enfants exclus de la société.

Les institutions ne sont pas des solutions car il n’y a en fait pas de problème : nous ne sommes pas des problèmes.

On ne devrait jamais avoir à subir une telle exclusion Je ne crois pas que le destin de ces enfants soit le souci de ceux qui travaillent dans les institutions.

Rien ne devrait favoriser ces mises à l’écart Les circonstances de tous ces parcours sont alarmantes, les sentiments d’inexistence sociale sont insupportables. Le droit à une éducation en milieu ordinaire n’a pas à se justifier.

Je connais le sentiment d’être pris pour inintelligent, de comprendre ce qu’on me dit et de ne pas pouvoir le montrer. Mes pensées ne soulevaient aucune montagne, capables de pénétrer le milieu si dubitatif des professionnels.

Je me sentais toujours infantilisé. Les gens me voyaient comme un petit, ne pouvant pas saisir l’étendue de mes capacités.

La France s’est fait condamner plusieurs fois pour discriminations envers les enfants autistes par le Conseil de l’Europe, et surtout par rapport à la scolarité en milieu ordinaire. Les enfants autistes, surtout non oralisants, sont en institution, et ceux qui vont à l’école y vont sur de très courts temps, accompagnés par des AVS au statut précaire, avec des heures mutualisées, et pas formées.

Il y a aussi des ULIS (Unités localisées d’inclusion scolaire), mais ce n’est pas une réelle inclusion, les enfants restent séparés des autres.

La volonté des parents de scolariser leur enfant dans le milieu ordinaire est freinée par l’institution scolaire, malgré la loi de 2005 qui le préconise, sur le motif que les institutions seraient mieux formées.

Et les parents doivent se battre pour le droit à l’éducation Une maman que j’ai connu, Bettina Dupin, a été jusqu’à la Cour Européenne des Droits de l’Homme,pour que son fils autiste non oralisant ait droit à une vraie instruction, mais elle n’a pas obtenu gain de cause au motif que « le placement d’un enfant autiste en institut médico-éducatif plutôt qu’en milieu scolaire ordinaire ne viole pas son droit à l’éducation ».

Tout en en rappelant qu’en France la scolarisation en milieu ordinaire est possible, la Cour a statué, que vu le profil de l’enfant, il n’était pas capable de suivre une scolarité normale et que le milieu spécialisé répondait mieux à ses besoins, en mettant en cause les souhaits d’inclusion de la maman et en allant à l’encontre de la Convention Internationale des Droits des Personnes Handicapées. De par cette décision incompréhensible, la CEDH n’a fait qu’encourager la politique ségrégative de la France.

Depuis quelques années, les parents font aussi souvent l’objet de signalements par l’école, selon le Défenseur des droits, les familles ayant des enfants handicapés sont d’avantage susceptibles de faire l’objet d’une « information préoccupante » que les autres familles.

Cette « information préoccupante » deviendrait un moyen d’exclure l’enfant handicapé du système scolaire.

Mes parents se sont battus pour que je reste dans le milieu ordinaire mais même si j’ai connu une situation favorable au début, j’ai dû poursuivre avec des cours par correspondance (qui dépendaient cependant de l’Education Nationale), l’école ne voulant plus de moi. J’ai très mal vécu ce moment. Mon monde s’écroulait, la confiance dans les gens s’est amoindrie, on me faisait ressentir ma différence. J’avais neuf ans, et l’exclusion faisait alors de moi un combattant.

Je n’avais pas compris que mes semblables ne l’étaient plus, j’appartenais maintenant aux « anormaux ».

Comme je ne supportais plus d’être isolé, j’ai voulu reprendre une scolarité classique

Au collège et au lycée j’ai été alors à mi-temps en classe et à mi-temps en cours à distance.

Quand j’ai eu seize ans, l’âge de fin d’obligation scolaire, ma demande d’AVS a failli être refusée, et la peur de ne plus pouvoir aller en cours, même si je n’y allais que quelques heures, m’a dévasté.

Par contre, je peux dire que pour passer le diplôme du Baccalauréat, le lycée et l’administration scolaire ont été bienveillants, comme s’il fallait franchir tous les obstacles pour enfin avoir les bons aménagements.

Mais le fait que les AVS ne soient pas formées et changent souvent était très difficile.

Ces personnes avaient du mal avec mes moyens de communication et je n’avais pas vraiment de relations avec les autres élèves.

De même je n’ai pas eu d’assistance personnelle dans mon enfance et mon adolescence.

Mes parents ne pouvaient pas se permettre de les rémunérer et ils ne recevaient pas assez d’aides financières.

Cela m’a vraiment beaucoup manqué de pouvoir vivre comme les autres jeunes de mon âge. Le fatalisme de croire que je n’aurais pas de vie autonome me gagnait et les rêves de choisir ma destinée ne se réalisaient pas Quand j’ai eu mon baccalauréat, j’ai vécu des moments merveilleux.

Je me suis rendu compte que je ne serai plus jamais perçu comme avant. Souvent, les gens ne s’adressent pas à moi directement, et demandent dans quelle structure je suis, le fait alors de dire que je suis étudiant change leur attitude, ce qui montre l’étendue des préjugés envers les personnes handicapées.

Ça me fait mal de me dire qu’en France, je suis le seul autiste non-oralisant à avoir eu mon bac et à faire des études supérieures.

On me dit que je suis un pionnier J’espère sincèrement qu’un jour, les portes de l’enseignement supérieur seront grandes ouvertes pour tous et toutes, et que toutes les possibilités d’éducation seront réellement accessibles.

En France, il n’y a pas d’AVS universitaires, et les adaptations sont surtout pour les handicaps physiques et sensoriels, même s’il reste beaucoup à faire aussi dans ces cas. Pour suivre un cursus en université, il me fallait une aide humaine à plein temps, mais je n’avais droit qu’à une allocation pour rémunérer une personne 3 heures par jour.

Ayant eu un baccalauréat scientifique, j’ai commencé des études de sciences physiques, mais j’étais accompagné par des AVS qui n’avaient pas eu le temps de se familiariser avec mes moyens de communication alternative.

Il m’est arrivé de me retrouver dans des situations d’examens avec une secrétaire, mais sans aide humaine, sans possibilité de composer pour l’examen.

J’avais bien un preneur de notes, mais je ne récupérais ses cours qu’une fois par semaine, et ses notes étaient souvent illisibles.

De même, il n’y avait pas d’adaptations de la part des professeurs Très vite j’ai voulu me réorienter en droit.

Mais là encore, il n’y avait pas d’adaptations correctes, et malgré le demi-temps supplémentaire qui m’a été accordé pour les examens, je n’avais pas assez de temps pour finir mes épreuves. Le pôle handicap de l’université était très peu à l’écoute. Avec la possibilité de faire ma première année de droit en deux ans, et avec beaucoup de travail et de persévérance, j’ai pu valider quelques matières, mais j’ai dû abandonner Cela a été très dur, car le droit est une passion pour moi.

J’ai alors commencé des études de sociologie à l’Université de Sciences Humaines de ma ville, extrêmement déçu de devoir quitter la fac de droit mais attendant de trouver de nouveau des connaissances qui me procurent autant de joie intérieure. En écoutant mes proches me donner des conseils, il a fallu que je me rende à l’évidence, ma véritable passion se trouve dans la lutte pour nos droits, et les disability studies appartiennent au domaine de la sociologie ce qui me permet finalement d’étudier ce sujet sans être forcément dans une perspective purement juridique.

Aujourd’hui, je me sens beaucoup plus à l’aise qu’avant lors des TD, et je peux enfin réellement participer en cours. Même si je n’ai pas le temps d’écrire tout ce que je voudrais dire à chaque fois, j’ai été bien accueilli par mes professeurs et je travaille en groupe avec les autres étudiants Pour cette première année, j’ai commencé à étudier, tout d’abord, l’accessibilité des lieux de concerts pour les personnes à mobilité réduite, puis le sujet de la précarité étudiante.

En interviewant un étudiant handicapé précaire dans le cadre de ma recherche, et en rencontrant des personnes adhérentes comme moi, d’une association d’étudiant handicapés de ma fac j’ai eu confirmation de la justesse de ma vision des choses concernant la situation.

Il y a un sérieux manque d’accès à l’éducation, et les étudiants handicapés sont confrontés à d’énormes obstacles.

Nous vivons tous des difficultés similaires. Il y a un grand manque de prise en comptes de nos besoins et un grand manque d’adaptation au niveau des cours et pour les examens. Je dirais en fait qu’il n’y a aucune adaptation pédagogique, et pas de personnel formé ni suffisant au pôle handicap On dirait qu’il nous faut réclamer sans cesse pour obtenir des prises de notes et on se fait souvent traiter comme des imbéciles déresponsabilisés par le personnel du pôle handicap sensé nous aider. J’explique trop souvent que je comprends très bien lorsqu’on me parle et je suis obligé de le répéter, alors que la plupart des personnes chargées de l’accessibilité me parlent comme si j’avais deux ans, ou s’adressent à mon AVS pour ne pas s’adresser à moi directement.

Fatigué de lutter toujours pour mes droits, j’ai connu quand même beaucoup de bonheur en obtenant cette année ma première année de licence de Sociologie. Très tôt j’ai voulu avoir un logement à moi.

Je voulais pouvoir ne pas être toujours obligé d’être accompagné par mes parents. Mais je n‘avais que 3 heures de PCH (prestation de compensation du handicap) par jour pour rémunérer mes aides humaines. Or, j’ai besoin d’un assistant personnel constamment avec moi, pour communiquer mes pensées, mes désirs, converser avec les autres et pour initier ce que je souhaite faire au quotidien.

Donc avec si peu d’heures, au début de mes études, je ne pouvais employer des AVS que sur les moments où j’allais en cours. A chaque fois, il a fallu se battre pour augmenter les heures. De 3h par jour, je suis passé à 4h, puis, de 6h je suis passé à 10h.

Cela était toujours très insuffisant car comme je l’ai dit, j’ai besoin d’aide en permanence du fait de mon handicap.

Mes parents m’aidaient pour les heures restantes, mais ce que je voulais c’est avoir ma vie d’adulte autonome sans subir l’obligation d’être coincé avec mes parents.

Pour obtenir des assistants personnels, soit il faut être riche, soit il faut se battre Se battre était ma seule option. Réclamer 24 heures sur 24 de PCH a été une vraie bataille pour faire valoir mes droits.

Je suis passé une première fois devant une commission à la MDPH pour obtenir plus d’heures. J’avais l’impression d’être jugé par un tribunal. Jugé sans avoir commis aucun crime.

J’ai alors obtenu 10H, mais ce n’était toujours pas assez. Au moins, mes assistantes personnelles passaient maintenant plus de temps à m’accompagner au quotidien , à la fac et à la maison, et je me sentais plus confiant. J’ai aussi fait la demande pour un logement étudiant. C’était une fabuleuse émotion que d’emménager dans mon propre appartement.

J’ai ensuite reconstitué un nouveau dossier et je suis repassé devant une autre commission; C’était très stressant. Je devais montrer à la fois que j’étais dans une forte volonté de vie autonome et aussi que je ne pouvais rien faire seul, ou presque

Il ne semble pas que beaucoup de personnes comprennent ce que « vie autonome » veut dire. Beaucoup de gens pensent encore que la vie autonome, c’est tout faire tout seul.

J’ai l’impression qu’il y a une confusion entre autonomie, indépendance, autosuffisance… comme si avoir besoin les uns des autres voulait dire qu’on est pas autonome ! En décembre 2021, j’ai finalement obtenu, à ma grande surprise, 24H de PCH. Ma mère n’y croyait pas, elle pensait qu’il y avait une erreur quand j’ai reçu le papier annonçant la nouvelle.

C’était une grande victoire. C’est cela qui me permet de vivre normalement, ce qui était impossible avant. Je suis reconnaissant envers ces personnes de m’avoir entendu. Je vis actuellement en résidence universitaire avec mes assistants personnels.

Obtenir assez d’aides pour rémunérer des assistants personnels est donc très compliqué et beaucoup de personnes sont ainsi poussées vers l’institution. Aujourd’hui, en France, l’habitat regroupé et les services externalisés des institutions sont encouragés, mais cela n’a rien à avoir avec la désinstitutionalisation, ce ne sont toujours pas les personnes elles-mêmes qui contrôlent leur vie.

Surtout quand elles n’ont pas leur capacité juridique . Je veux décider de ma vie. Mais je suis terrorisé à l’idée que quelqu’un me signale et que je me retrouve alors sous tutelle. Quand je quitterai ma résidence universitaire, ce n’est pas certain qu’un propriétaire accepte que je signe le bail d’un logement, par exemple Ne pas être considéré comme une personne adulte et subir le mépris de sa dignité est insupportable.

Je suis membre de plusieurs associations de défense des droits pour les personnes handicapées , pour les personnes autistes, et pour les personnes autistes non-oralisantes. C’est vraiment l’assistance personnelle qui me permet d’avoir une vie étudiante et associative active, au rythme que je souhaite. J’ai rejoint le mouvement pour la vie autonome à 16 ans en adhérant à ENIL Youth Network J’ai été élu au bureau du ENIL Youth Network en novembre dernier. ENIL est comme ma deuxième famille.

Je suis aussi membre d’I-ASC, International Association for Spelling as Communication, dont la mission dont la mission est de faire progresser l’accès à la communication pour les personnes non oralisantes dans le monde grâce à la formation, l’éducation, le plaidoyer et la recherche

Cette association est composée d’individus issus des communautés non oralisantes et neurodivergentes; de leurs familles ; de praticiens formés ; et d’alliés informés Au sein de cette association, je fais partie du Spellers and Allies Advocacy Network.

Nous plaidons ensemble autour de questions qui concernent les personnes non oralisantes, telles que l’autonomie et l’accessibilité , par le biais de campagnes d’éducation publique et de sensibilisation.

Au niveau national, j’appartiens à l’association CLE-Autistes (Collectif pour la Liberté d’Expression des Autistes), qui lutte pour les droits des personnes autistes, pour leur émancipation et leur qualité de vie

Notre collectif se veut systémique, intersectionnel et mixte, et géré par les personnes concernées. Il est indépendant de l’Etat et des structures associatives et médico-sociales, qui défendent une vision apolitique, aliénante et validiste du handicap

Dans ce cadre, j’ai notamment pour mission de développer et animer des ressources pour l’autisme non-oralisant via un réseau de relations de personnes concernées en France et à l’international.

Depuis le commencement, mon amour d’association est considérée comme radicale, parce que nous sommes contre l’institutionnalisation et contre la vision médicalisée du handicap.

Le dialogue est difficile, aussi bien avec les associations de parents, avec les professionnels de l’accompagnement et de la santé, qu’avec les politiciens. La dernière Freedom Drive, à Bruxelles en octobre 2022, a pour moi confirmé que les choses ne vont pas en s’arrangeant On multiplie à travers le monde les institutions médico-sociales, l’accès à l’assistance personnelle est souvent impossible ou très restreint tandis que de nombreux organismes publics ou privés continuent de perpétrer des violences et de promouvoir un modèle surmédicalisé du handicap qui met les droits humains au second plan. Je ne vous apprendrais rien en disant que même si des avancées sont faites en termes d’accessibilité, ces avancées restent insuffisantes et montrent le manque d’inclusivité dans toutes les sphères de nos sociétés.

Même dans des contextes se voulant inclusifs, j’ai pu vivre des expériences excluantes. J’ai participé cette année à un programme nommé IMPACT (méthodes inclusives pour l’activisme politique et la campagne par la formation), organisé par JEF, les Jeunes Européens Fédéralistes Nous sommes allés à un évènement intitulé UYD, Université sur la Jeunesse et le Développement, en Espagne, où beaucoup d’autres associations réalisaient également des projets.

Durant l’assemblée plénière, il y a eu de nombreux problèmes concernant l’accessibilité et le bruit. Le dernier jour de l’évènement, on était venu me voir pour me prévenir que l’activité serait bruyante. On m’excluait, au lieu de rendre l’activité accessible pour tous.

J’ai donc dû quitter la salle de réunion, et tout mon groupe de JEF a quitté la salle de réunion en solidarité avec moi.

Aujourd’hui, avec une amie de JEF, nous allons travailler sur un plan d’action pour une campagne sur la prise de décision assistée.

Je dirais aussi que, malgré ces efforts que nous menons, nous, défenseurs de nos droits venus de tous les pays du monde, rassemblés dans l’optique de rendre plus réelle et accessible la vie autonome de toutes les personnes handicapée, il est malheureux de constater un réel manque de coopération de la part de nombreux états états quant à l’application de l’article 12 de la Convention Relative aux Droits des Personnes Handicapées (CDPH),qui affirme le droit à une égale reconnaissance devant la loi. Comme il est dit dans l’étude de 2018 sur l’égale reconnaissance devant la loi réalisée par le Center for Disability Law and Policy de Galway, les réticences à appliquer véritablement la Convention sont principalement dues à “l’attitude paternaliste des États face à la question du handicap”. Cela fait plusieurs années que je milite pour que la prise de décision assistée remplace la tutelle et la curatelle.

Progressivement, je me suis penché sur les différentes façons d’aborder la prise de décision assistée, aux Etats-Unis, en Australie, et en Irlande.

Je me suis senti vraiment heureux quand j’ai appris que l’Irlande avait, très récemment, implémenté le Capacity Act et avait lancé son propre service d’aide à la prise de décision, même s’il n’est pas complètement conforme à la Convention.

En faisant bloc ensemble contre les restrictions de liberté que génèrent la prise de décision substitutive et l’institutionnalisation, nous avançons vers plus d’accessibilité et d’autonomie dans tous les aspects de nos vies.

Nous donnons à voir la possibilité d’une capacité juridique universelle. Nous avons besoin de tout un changement dans la considération de nos revendications : que les personnes valides apprennent à nous regarder en sujets de droit et non plus comme des fardeaux. C’est pourquoi nous continuerons à pousser les états à prendre leurs responsabilités et faire respecter les engagements qu’ils ont pris en signant la CDPH tous comme ceux qu’ils ont pris en signant la CIDE (Convention Internationale des Droits de l’Enfant).

Même si les barrières à détruire sont considérablement nombreuses pour bâtir ensemble des sociétés accessibles et justes nous resterons soudés et continuerons de faire tomber les murs, les marches, et les portes closes qui nous empêchent de vivre nos vies comme nous désirons les vivre. Nos voix et nos mots seront encore plus forts et visibles.

Le pouvoir d’un mouvement comme le nôtre se construit avec des fondations faites de solidarité, d’amour et de grand attrait pour la liberté.

A ce jour, je peux sentir ce vent de libération à chaque instant Vous êtes ma famille. Vous avez rempli mon âme d’une soif de justice transformatrice. J’ai réellement en moi le rêve d’un monde meilleur La lutte pour la vie autonome est synonyme pour moi d’une joie vivante pour construire un monde où chacun puisse vivre dignement en étant considéré comme une personne entière, maître de ses choix.

En 2018, j’ai participé à une session d’été d’ENIL Youth, dont le thème était “La citoyenneté active et la participation politique des jeunes handicapés comme voie vers la vie autonome”. Là, j’ai vécu l’un des moments les plus merveilleux de ma vie.

C’était la première fois que je rencontrais réellement autant de merveilleux jeunes militants handicapés du monde entier

Comme j’avais toujours été à l’écart de beaucoup de conversations, là, au contraire,j’étais considéré comme une personne qui a des idées à partager et qui est égale aux autres.

Je me suis vraiment senti écouté. C’était comme si toutes les barrières avaient disparu. Je vous assure que j’ai envie de ressentir cela chaque jour de ma vie

Être vu d’abord comme une personne digne et digne d’être écoutée. J’aimerais que chacun d’entre nous le soit. C’est ma communauté. C’est là qu’est ma place.

Je veux voir de mon vivant nos voix s’élever et triompher, même si nos corps ne nous permettent pas physiquement de parler. Je crois en nous.

Nous luttons pour que nos corps et nos cœurs cessent d’être sacrifiés sur l’autel de la normalité. Nous sommes côte-à-côte. Ensemble. Nous sommes forts

Nos voix sont fortes, nous sommes fiers, et visibles Nous n’abandonnerons jamais le combat.

Merci beaucoup Nicolas, c’était une façon incroyable d’ouvrir officiellement nos cours d’été cette année

Merci beaucoup. Et maintenant, pour répondre à Nicolas, nous avons Caoilfhionn Gallagher, qui a une importante bibliographie que je vous encourage à consulter. et la biographie qui se trouve dan le programme Caoilfhionn est Conseillère du roi, avocat spécialisé dans les droits de l’homme internationaux et avocat à Doughty Street Chambers, elle a été nommée cette année par le gouvernement irlandais rapporteur spécial sur la protection de l’enfance Elle est intervenue dans de nombreuses affaires très importantes en matière de droits de l’homme, notamment pour des enfants handicapés et leurs familles Nous sommes donc très heureux d’accueillir Caoilfhionn ici aujourd’hui et de répondre à l’intervention de Nicolas.

Thank you Caoilfhionn.

Caoilfhionn : Merci beaucoup à tous et quel privilège de participer cette semaine à l’université d’été organisée par le Centre for Disability Law and Policy, dont le travail est d’une importance vitale Et Merci beaucoup à Eilionóir et à Clíona. Et quel privilège, franchement, de répondre à un discours d’ouverture aussi brillant que provoquant , de la part de Nicolas a déclaré dans son discours que les gens lui disaient qu’il était un pionnier

Et il a raison. Ils ont raison. Il est un pionnier. Vous savez pourquoi.

Il est le seul autiste non oralisant à avoir obtenu le baccalauréat à avoir poursuivi des études supérieures à vivre dans un logement universitaire après s’être battu pour obtenir une aide financière pour une assistance à temps plein et à avoir mené une brillante campagne Il ne fait aucun doute que ce qu’il a accompli est novateur et pionnier. Mais il ne devrait pas être nécessaire d’être un pionnier pour obtenir des droits fondamentaux et des aménagements permettant de réaliser pleinement son potentiel académique.

Et la phrase qu’il a prononcée lors de son discours a vraiment touché une corde sensible pour moi : “Pour obtenir une assistance personnelle, il faut soit être riche, soit se battre, se battre était ma seule option”.

Ce qu’il a décrit dans son discours ce matin, c’est un combat à absolument chaque étape.

Un combat mené d’abord par ses parents puis un combat qu’il a dû mener tout au long de sa vie pour obtenir les droits fondamentaux auxquels il a droit

Un combat pour être traité avec humanité, égalité et équité. Et franchement, il est honteux que Nicolas ait vécu cette expérience.

Ce combat qu’il a décrit à chaque étape de sa vie s’est déroulé en France, l’un des pays les plus riches du monde, 24e pays le plus riche du monde à l’heure actuelle, avec un PIB de 3 000 milliards de dollars.Uun pays membre du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne Un pays qui a d’excellentes références en matière de droits de l’homme, sur le papier, en théorie.

La France a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées il y a plus de 13 ans, en février 2010

Mais bien qu’elle ait ratifié la Convention en 2010, elle n’a pas immédiatement pris de mesures concrètes pour l’appliquer.

Considérant en effet qu’il s’agissait d’une loi votée plus tôt en 2005, la France pensait aller plus loin que la CDPH

Et elle s’est trompée Et compte tenu de ce que vous avez entendu de Nicolas ce matin dans son brillant discours liminaire, vous ne serez peut-être pas surpris d’apprendre qu’en 2021, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies, dans ses observations finales sur la France, lui a infligé un avis très défavorable et a exprimé de sérieuses préoccupations dans toute une série de domaines et je ne fais que reprendre le résumé de l’ONU pour vous donner une idée. Le Comité s’est dit préoccupé par la prévalence d’une législation et de pratiques paternalistes et axées sur la dimension médicale dans l’État membre français.

La loi de 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui précède la CDPH, est particulièrement préoccupante car elle met l’accent sur la prévention du handicap et le traitement médical des déficiences. Cette loi définit un modèle de prise en charge médico-sociale favorisant l’institutionnalisation systématique sur la base du handicap.

Le Comité a recommandé à l’État membre de revoir la législation et les politiques existantes et d’accélérer l’adoption de mesures visant à donner effet au modèle de handicap fondé sur les droits de l’homme, qui reconnaît l’autonomie, l’égalité et la liberté dans tous les domaines de la vie.

Le comité des Nations unies s’est également inquiété de la dévalorisation des personnes handicapées en France par le biais de politiques et de pratiques validistes. Il a reproché à la France de ne pas disposer d’un modèle de handicap fondé sur les droits de l’homme d’éliminer les stéréotypes négatifs et a mis en évidence une série de problèmes graves notamment la stérilisation forcée et l’accent mis sur l’institutionnalisation.

Et cela se retrouve dans ce que nous avons entendu de Nicolas ce matin. C’est pourquoi, avant de répondre, je voulais commencer par évoquer quelques points qui me sont venus à l’esprit lors de ce discours, en citant brièvement Albert Einstein.

Il a dit un jour :”En théorie, la théorie et la pratique sont identiques. Dans la pratique, elles ne le sont pas.” Et je pense que cette semaine est très importante pour combler le fossé entre la théorie et la pratique, entre les droits sur papier et les droits dans la réalité.

Au cœur des discussions que nombre d’entre vous mèneront cette semaine, il y aura deux conventions internationales qui font office de normes.

La Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées et la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant.

Lors de son adoption en 2006, Kofi Annan, alors secrétaire général des Nations unies, a décrit la CDPH comme l’aube d’une nouvelle ère, une ère dans laquelle les personnes handicapées n’auraient plus à subir les pratiques et les attitudes discriminatoires qui ont prévalu pendant bien trop longtemps, et près de vingt ans plus tard, sommes-nous dans cette nouvelle ère ? Et il est clair que malgré le nombre d’États qui déclarent sur le papier qu’ils acceptent et soutiennent les principes de la CDPH, nous en sommes loin dans la réalité.

Ce que nous voyons trop souvent, c’est un écart de conformité entre la déclaration noble et la réalité des droits.

C’est également le cas de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant. Datant de 1989, c’est le traité sur les droits de l’homme le plus largement ratifié au monde.

Pourtant, de nombreux États qui l’ont signé sur papier ne respectent pas ses principes fondamentaux dans la pratique.

Je dois dire que l’idée de se conformer à quelque chose en principe et de ne pas s’y conformer en pratique a également une très longue histoire et il vaut la peine de noter, étant donné que nous avons cette discussion en Irlande, que bien que de nombreuses personnes en relation avec les droits de l’enfant parlent d’Eglantyne Jebb l’une des sœurs Jebb qui a fondé le fonds Save the Children, beaucoup parlent de sa première déclaration des droits de l’enfant en 1923, il y a 100 ans cette année, qui a eu un impact international rapide et a été adoptée par la Société des Nations en tant que déclaration de Genève des droits de l’enfant en 1924 En fait, avant qu’elle ne prenne la plume en 1923, ici en Irlande, en 1921, à Dublin en pleine période révolutionnaire, le programme démocratique présenté lors de la réunion du premier Dáil stipulait que “le premier devoir du gouvernement de la république sera de veiller au bien-être physique, mental et spirituel des enfants afin qu’aucun enfant ne souffre de la faim ou du froid par manque de nourriture, de vêtements ou d’abri”.

Il y a donc plus de 100 ans, l’Irlande a déclaré qu’il s’agissait de son premier devoir.

Et malheureusement, tout comme les droits de l’enfant ne sont pas un concept nouveau la notion de droits de l’enfant effectivement respectés sur le papier, mais pas dans la pratique a une longue histoire qui remonte au moins au siècle dernier. L’écrivain Shaun O’Faoláin a écrit plus tard que le programme démocratique de ce premier Dáil a été écouté et discuté pendant exactement 20 minutes et 50 secondes, avant d’être enterré à jamais. Je pense qu’une grande partie de ce que nous entendons dans le discours de Nicola et de ce dont nous discuterons cette semaine est cette tendance à prononcer des paroles générales nobles, mais à ne prendre que peu d’engagements spécifiques tangibles et mesurables, et ce fossé entre la théorie et la pratique devrait être au cœur de ce dont nous discuterons cette semaine Le combat que Nicolas a décrit aujourd’hui n’est que trop familier et je voulais vous raconter une autre histoire avant de parler des points sur la Cour européenne des droits de l’homme dans son discours Le mois prochain marquera le 10e anniversaire de la mort d’un jeune homme de 18 ans, Connor Sparrowhawk qui est décédé en Angleterre alors qu’il était pris en charge par le NHS (système de la santé publique du Royaume-Uni.). Je n’ai jamais eu le plaisir de rencontrer Connor parce que j’ai été chargé par sa famille après sa mort, une mort tout à fait évitable liée à ses handicaps, et Connor était surnommé le garçon qui rit (Laughing Boy ) par sa famille et par lui-même Il était atteint d’autisme et d’épilepsie et au moment de sa mort, le 4 juillet 2013, il se trouvait apparemment dans une unité spécialisée, une unité d’évaluation et de traitement. Il a eu une crise d’épilepsie alors qu’il était dans son bain. Aucun membre du personnel ne l’a sauvé. Personne n’avait remarqué qu’il avait une activité convulsive accrue parce que, comme Nicolas l’a décrit le personnel était mal formé et ne savait tout simplement pas ce qu’ils devaient faire Et encore une fois, l’un des pays les plus riches du monde, signataire de la CDPH, est membre du Conseil de l’Europe, et encore une fois, il y a cette inadéquation fondamentale.

Et Connor était là depuis 107 jours au moment où cela s’est produit. Si vous ne l’avez pas vu, étant donné que nous avons parlé de craftivisme tout à l’heure, cela vaut la peine de jeter un coup d’œil sur le brillant travail de craftivisme réalisé à la suite de la mort de Connor, il y a dix ans maintenant

La campagne des 107 jours Justice pour LB. (Laughing Boy) De nombreuses personnes ont été indignées par ce qui était arrivé à Connor et se sont rassemblées pour tenter de demander des comptes et de trouver des réponses. La famille de Connor soupçonnait que ce qui lui était arrivé n’était pas un cas isolé.

Au cours de l’enquête que j’ai menée pour la famille, nous avons découvert que quelqu’un d’autre s’était noyé sept ans auparavant dans la même baignoire. Nous n’en avions même pas été informés. Nous l’avons découvert au milieu de l’enquête, presque par hasard. Aucune leçon n’avait été tirée. C’était un accident qui ne pouvait que se produire. En réalité, ce n’était pas du tout un accident. C’était une mort évitable

Sarah Ryan, la mère de Connor, a obtenu, dans le cadre de sa campagne, un rapport du NHS lui a révélé qu’en fait, les personnes handicapées mentales mouraient en moyenne 20 ans plus tôt que les personnes non handicapées mentales pour des raisons tout à fait évitables, et qui étaient liées au fait qu’elles étaient handicapées. Si vous en avez l’occasion, cela vaut la peine de le consulter en ligne ou de lire le livre “Justice for laughing boy” (La justice pour le garçon qui rit). Le combat que Nicolas décrit aujourd’hui est un combat que beaucoup d’autres ont lié à ce fossé entre la réalité et la pratique.

Je voudrais terminer sur un autre thème clé qui est ressorti du discours de Nicolas l’inadéquation de la Cour européenne des droits de l’homme en ce qui concerne l’éducation inclusive en particulier.

Il a mentionné l’ affaire Dupin en France, une affaire profondément problématique datant de 2019 et il a déclaré dans son discours d’ouverture qu’avec cette décision incompréhensible, la Cour européenne des droits de l’homme a simplement encouragé la politique de ségrégation de la France.

Je suis d’accord avec cette critique qu’il a formulée et je l’approuve. Car il s’agit d’un jugement remarquable

En 2019, dans cette affaire, la Cour a semblé se détourner de sa jurisprudence antérieure qui se concentrait sur la Convention relative aux droits des personnes handicapées indiquant un consensus international, et sur l’importance de l’éducation inclusive.

En fait, dans l’affaire Dupin, le tribunal ne fait même pas référence à la CDPH dans la section de l’arrêt consacrée au droit national et international pertinent, et la CDPH brille par son absence dans cette section.

Il s’agit d’un net revirement par rapport à d’autres affaires beaucoup plus progressistes, et c’est problématique lorsque l’on examine ces affaires à la Cour européenne des droits de l’homme

En ce qui concerne l’inclusion scolaire, Il me semble que nous assistons à un véritable pêle-mêle au sein de la Cour européenne des droits de l’homme .Certaines affaires sont positives Certaines affaires s’appuient fortement sur la CDPH et ont une approche progressiste tandis que d’autres , comme l’affaire Dupin, adoptent une attitude très différente. Je pense que cela est dû en partie au fait que les principes de la CDPH ne sont tout simplement pas intégrés dans l’analyse de la Cour européenne des droits de l’homme. Contrairement, par exemple, à la manière dont la Cour européenne a traité, au cours des dix dernières années des questions telles que la violence fondée sur le genre ou même la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant. Il semble qu’il y ait un angle mort particulier lorsqu’il s’agit de questions liées aux droits des personnes handicapées et aux droits des personnes handicapées en relation avec l’éducation en particulier.

Je pense que c’est aussi en partie parce que le droit qui protège l’éducation en vertu de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Convention européenne des droits de l’homme est en soi relativement faible, mais il y a un réel problème avec cette image mitigée qui émerge de la Cour européenne des droits de l’homme. Il est important que Nicolas l’ait souligné dans sa brillante allocution.

J’ai commencé tout à l’heure par une citation d’Einstein et je pense qu’étant donné que Nicolas nous a donné tant de matière à réflexion dans son discours, il est juste que je termine par une autre citation d’Einstein qui est un peu plus positive Il a dit un jour :

“Apprenez d’hier, vivez pour aujourd’hui, espérez pour demain. L’important est de ne pas cesser de s’interroger.”

Je pense que le brillant discours de Nicolas aujourd’hui nous a permis de nous interroger sur les raisons pour lesquelles nous devons remettre en question les États qui prétendent en principe se conformer aux normes internationales telles que la CDPH, mais qui, dans la pratique, laissent tomber des personnes comme Nicolas des personnes comme Connor et de nombreuses personnes présentes dans cette salle, en personne et virtuellement en ligne Je vous remercie de votre attention.

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