Traduction du blog de Autistic Science lady “Anxiety Looks Like Anger” par les bénévoles du Pôle Communication.
[Disclaimer : Ce texte est écrit pour les parents puisque j’ai vu récemment beaucoup de parents demander quoi faire par rapport aux comportements de leurs enfants (ils essaient de faire ce qu’il y a de mieux pour leur enfant, en demandant à des personnes autistes). Des versions similaires à ce dont je parle peuvent être vécues par des autistes adultes, surtout quand des personnes pensent que nous nous plaignons ou que nous sommes « sur la défensive »]
Beaucoup de parents ont du mal à comprendre qu’un enfant qui se comporte mal est un enfant en détresse.
Voilà à quoi peut ressembler l’anxiété chez des enfants autistes :
1. Se plaindre d’une tâche
2. Lever les yeux au ciel
3. Être « insolent »
4. Taper du pied, frapper des objets, crier
5. Poser beaucoup de questions « ennuyantes », « faire exprès d’embêter » ce qui peut ennuyer ou énerver des parents fatigués
Voilà ce que l’enfant ressent, en fait (ils ne sont pas intentionnellement en train d’essayer de vous embêter, de se plaindre ou d’être insolent) :
1. Frustré – la tâche n’est pas compréhensible, l’enfant est stressé, la tâche est trop bruyante, implique trop de gens, l’enfant est trop fatigué. L’enfant ne peut pas le faire tout de suite. Il* ne comprend pas pourquoi on lui demande de le faire parce qu’il ne peut littéralement pas le faire tout de suite. Son cerveau ne fonctionne pas.
2. Anxieux, effrayé –
L’enfant sait que son anxiété va énormément augmenter s’il va, par exemple, faire les courses.
L’enfant est anxieux car il ne peut pas contrôler son environnement et car il doit faire quelque chose TOUT DE SUITE alors qu’il a du mal à basculer sur une nouvelle tâche.
L’enfant ne comprend pas pourquoi il doit faire quelque chose et il connaît d’autres solutions qui lui donnerait bien moins d’anxiété mais il sait que s’il suggère une alternative, il va avoir l’air de se plaindre ou de mal se comporter.
Ce qu’on a dit à l’enfant n’est pas cohérent. Il se souvient avoir été dit qu’ils n’était pas obligé d’aller à X endroit mais ça a changé et les parents font comme s’il n’y avait pas eu de changement ou ne le mentionne jamais mais attendent de l’enfant qu’il soit prêt pour y aller.
3. Confus, frustré – l’enfant sait qu’il ne peut pas faire la tâche et il essaye de la rendre plus facile ou essaye d’expliquer pourquoi il ne peut pas le faire mais il sonne stressé et les parents interprètent cela comme de l’insolence.
4. Très frustré, proche du meltdown –
· Cela arrive généralement quand l’enfant sait qu’en parler ou poser des questions n’a pas aidé les fois précédentes ou qu’il a déjà essayé et que la situation avec les parents s’est aggravée car le parent était fatigué et n’a pas pu rester calme cette fois-ci. Le parent sonne agacé.
· L’enfant est déjà stressé par la façon dont la tâche a été dite (un ordre à la place d’une question par exemple) puisqu’il a l’impression de ne pas avoir d’autonomie ou de contrôle sur la situation.
· L’enfant est déjà stressé à cause d’autres événement advenus pendant la journée / la semaine (à l’école par exemple) et la seule façon pour lui d’extérioriser sa frustration est en tapant du pied parce qu’il ne peut plus penser ou répondre verbalement et que sa jauge de stress est trop remplie.
5. Confus, anxieux –
· L’enfant est en train d’essayer de comprendre pourquoi cet événement qui lui cause de l’anxiété et du stress est important puisque cela ne semble pas logique et puisqu’il ne veut pas avoir à gérer le burn-out autistique qui en découlera.
· L’enfant essaye de se préparer à ce à quoi l’environnement va ressembler ou à ce que la tâche va impliquer : souvent visualiser la tâche nous aide à basculer sur cette tâche.
· L’enfant veut être sûr qu’il sera en sécurité pendant la tâche / l’événement et que tout a été prévu, que ses parents ne vont pas oublier quelque chose d’important.
· L’enfant sait que cela va être bien plus stressant pour lui que pour ses parents et que ses parents peuvent ne pas comprendre ses sensibilités sensorielles. Ainsi, savoir ce qu’il va se passer est important pour l’enfant afin de faire en sorte qu’un meltdown ou un shutdown n’arrive pas. Il veut être sûr qu’il a reçu une description fiable de la situation sensorielle – combien de personnes seront là, de quoi est fait le bâtiment, etc – mais sait que ses parents pourraient ne même pas penser à ça. Il n’est pas sûr que les réponses seront correctes car souvent elles ne sont pas exactes (puisque leur cerveau vit les choses différemment).
Stratégies pour les parents
Pour toutes les situations sauf la #4 (qui tient essentiellement du meltdown et demande de rassurer l’enfant et de l’amener dans un endroit calme et sécurisé pour qu’il puisse s’y calmer) :
· Il est important de prendre l’anxiété de votre enfant au sérieux. Ne dites pas des choses très générales comme « Tout va bien aller » car dans de nombreuses situations, ça ne va pas bien se passer puisque nous avons des expériences sensorielles différentes des personnes qui ne sont pas autistes. Beaucoup de personnes non-autistes n’ont même pas conscience de certains sons / lumières / odeurs qui sont ressentis par les personnes autistes.
· Il est important de légitimer les sentiments de votre enfant : « ça semble, en effet, très frustrant ».
· S’ils ont besoin d’être rassurés par rapport à des informations sur l’événement, dites-leur ce qu’il va se passer étape par étape, répondez à toutes leurs question (pour #5 par exemple), même si cela vous semble fatiguant et répétitif. Si vous ne savez pas quelque chose, ne faites pas comme si vous saviez ou ne dites rien de vague, dites-leur tout simplement que vous gérerez cela ensemble et ayez un plan de secours pour faire savoir à votre enfant qu’il sera en sécurité.
· S’il se plaint d’une tâche, demandez-lui ce qui aiderait. Est-ce qu’il a besoin de temps de repos seul avant de sortir faire les courses et quand il revient ? Est-ce qu’il a besoin de faire une corvée en moins ce jour-là pour avoir assez d’énergie pour faire cet événement ou pour une tâche plus importante ?
· Faites des compromis. Faites comme si vous parliez à un adulte qui a tout autant d’autonomie que vous. Essayez d’écouter ce qu’il dit : dit-il que l’événement est « désagréable » ? Y a-t-il des signes de douleur, d’inconfort ou d’anxiété dans ce qu’il mentionne ?
· Trouvez la raison ou la cause de son désarroi. Peut-être que cela devra être à un autre moment, quand il sera moins stressé et en détresse. Est-ce dû à un emploi du temps inattendu ou à un manque de repos ? Est-ce parce que l’environnement de la maison ou de l’école a été différent / plus chargé récemment ? Cela demande du temps et plusieurs méthodes de communication (utiliser les emails / taper sur un clavier / écrire sera peut-être plus facile pour certains enfants que le verbal pour parler de leurs sentiments – ça leur donne plus de temps pour traiter les questions et y répondre).
Les punitions ne fonctionnent pas
Les punitions ne fonctionnent pas. Ca ne fait que nourrir l’anxiété et le stress de votre enfant alors qu’ils le sont déjà et que c’est pour cela qu’ils se comportent ainsi. Donner à votre enfant le choix, même si celui-ci est illusoire, est toujours mieux que de donner des ordres. Par exemple, vous pouvez dire à votre enfant ce qu’il se passera s’il ne fait pas quelque chose mais sans dire qu’il doit le faire. Dire à votre enfant qu’il doit faire quelque chose lui donne l’impression que c’est une situation de vie ou de mort alors que la plupart du temps ce n’est pas le cas ! Ce n’est pas la fin du monde si votre enfant ne rend pas ses devoirs ou s’il est en retard à l’école parce qu’il n’a pas mis ses chaussures.
La chose qu’il est importante de lui apprendre est la régulation des émotions et que ses sentiments sont légitimes et réels, ce qui va l’aider à utiliser des stratégies pour calmer ces émotions. S’il ne sait pas ce qu’il ressent (ce qui est très commun puisque l’alexithymie est très commune chez les personnes autistes), il ne saura pas qu’il est contrarié et cela peut mener à #4, des meltdown (ou shutdown).
En tant que parent, vous pouvez lui montrer des modèles d’émotions en lui disant ce que vous ressentez. Par exemple : « Je me sens anxieux parce que je n’ai pas été capable de te cuisiner le dîner à temps, je vais donc essayer de respirer profondément et de faire une activité que j’aime pour essayer de me calmer. »
Faire savoir à votre enfant que c’est légitime de reconnaître qu’on a de l’anxiété va lui permettre de ressentir moins de honte à l’idée de ressentir cette émotion et de l’admettre à d’autres personnes. En tant que personne non diagnostiquée, je n’exprimais que très rarement que j’étais anxieux-se. En fait, mes parents n’ont même jamais eu conscience que je faisais de l’anxiété pendant mon enfance. Je partais du principe que je n’étais pas anxieux-se, principalement parce que je l’étais en permanence. Accepter l’anxiété aide souvent à traiter et gérer la dite anxiété.
Régulation des émotions
Parfois, la méditation aide les personnes à réguler leurs émotions. Cela n’a, personnellement, pas été le cas (ce qui peut causer de la frustration face aux témoignages de tous les gens autour de moi). La distraction a souvent été la meilleure technique de régulation : regarder quelque chose qui m’intéresse, ou regarder une série ou une émission à la télé qui me permet de me concentrer sur celle-ci et non pas sur mes émotions ou les stimuli sensoriels. Les exercices de respiration ont aidé, quand en détresse, principalement pour l’hyperventilation. Mais ce qui aide surtout (si pas en meltdown et shutdown mais en période de pré-meltdown / shutdown), c’est que quelqu’un me pose des questions sur quelque chose qui m’intéresse et me laisse en parler. Ignorer complètement la situation émotionnelle actuelle m’a, en général, le plus aidé à me calmer.
Je pense à un shutdown comme l’attente que mon cerveau se calme, parce que c’est tout simplement tout ce que l’on peut faire quand on est en shutdown. Cette façon de penser m’a aidé à attendre la fin de la crise plus calmement, plutôt que de devenir plus anxieux-se et spiraler dans des cycles de pensées négatives puisque je suis capable de séparer mon moi pensant logiquement de mon cerveau anxieux / pétrifié / submergé.
Sentez-vous libre de commenter si vous avez d’autres moyens de réguler vos propres émotions, ou d’autres moyens de gérer la préparations d’événements qui vous rendent anxieux-ses.
*On utilise ici le pronom il, comme masculin neutre mais il est important de noter que l’autrice de l’article utilise le pronom they