You are currently viewing Cohorte Marianne : l’autisme, la faute des mamans ?

Cohorte Marianne : l’autisme, la faute des mamans ?

  • Temps de lecture :4 mins read

L’autisme, la faute des mamans ?

Longtemps, l’autisme a été perçu à travers un prisme psychanalytique, culpabilisant principalement les mères. Cette idée, popularisée par le psychanalyste Bruno Bettelheim dans son ouvrage La forteresse vide (1967, traduction française 1969), repose sur l’hypothèse que l’autisme infantile découlerait d’un déficit d’amour maternel. Bettelheim y reprend les théories de Léo Kanner, selon lesquelles les « mères réfrigérantes » seraient froides, distantes, voire hostiles à leur enfant.

Une hypothèse démentie scientifiquement

Dès les années 1970, des études génétiques et neurodéveloppementales commencent à remettre en question cette vision purement relationnelle de l’autisme. Aujourd’hui, les scientifiques s’accordent pour considérer l’autisme comme un trouble du neurodéveloppement aux origines multifactorielles. Plusieurs gènes sont suspectés d’être impliqués, sans qu’un marqueur biologique unique n’ait été identifié à ce jour (Geschwind, 2009 ; Yuen et al., 2017).

Par exemple, une étude australienne de 2014 menée sur 1,5 million d’enfants a définitivement écarté l’hypothèse d’un lien entre les vaccins et l’autisme. D’autres travaux, comme ceux du Broad Institute et du Simons Foundation Autism Research Initiative (SFARI), explorent les mutations génétiques rares associées aux troubles du spectre autistique (TSA).

La cohorte Marianne : un retour en arrière ?

La cohorte Marianne, projet de recherche français lancé récemment, ambitionne d’explorer les facteurs environnementaux et sociaux qui influenceraient le développement de l’enfant et l’apparition de troubles comme l’autisme. Mais cette démarche soulève des inquiétudes légitimes :

  • Comment prouver un lien entre environnement familial et autisme si les bases biologiques du trouble sont encore incertaines ?
  • Pourquoi les familles homoparentales ne sont-elles pas incluses dans l’échantillon ?
  • Quel message envoie-t-on aux mères, si l’on postule que leur environnement serait « à risque » ?

On observe un glissement de la responsabilité affective (relationnelle) à la responsabilité environnementale, où les choix de vie, le mode de logement, l’alimentation ou le stress maternel deviennent des cibles d’étude. Or, comme le rappellent plusieurs chercheurs autistes, ce type de recherche est rarement co-construit avec les personnes concernées (Pellicano & Stears, 2011 ; Buckle, 2023).

Des études, pour quoi faire ?

Les études comme celle de la cohorte Marianne sont financées par des fonds publics. Il est donc légitime de poser la question suivante : à qui profitent-elles ?

Dans leur grande majorité, ces recherches ne visent pas à améliorer les conditions de vie des personnes autistes. Elles ne débouchent ni sur des formations obligatoires pour les professionnels (éducation, santé, administration), ni sur une meilleure reconnaissance de l’autodétermination des personnes concernées. Et pourtant, ce sont elles qui devraient guider les orientations scientifiques, comme le souligne le principe du « Rien sur nous sans nous » porté par les mouvements de défense des droits des personnes handicapées.

Changer de paradigme

Nombre de parents, qu’ils soient eux-mêmes autistes ou non, aspirent à des aides concrètes : accompagnement à la parentalité, simplification des démarches administratives, accès à des professionnels formés, etc. Quant aux personnes autistes adultes, elles revendiquent un changement de regard : sortir de l’angle pathologisant, cesser de faire de leur vie une matière première scientifique, sans concertation, sans consentement éclairé, sans retombées positives directes.

En somme, la recherche gagnerait à s’émanciper de la figure fantasmée de la « mauvaise mère » — qu’elle soit psychanalytique ou environnementale — pour se concentrer sur les véritables leviers d’inclusion, de soutien, et de justice sociale.

Sources :

  • Bettelheim, B. (1967). The Empty Fortress: Infantile Autism and the Birth of the Self.
  • Geschwind, D.H. (2009). Advances in autism genetics: on the threshold of a new neurobiology. Nature Reviews Genetics.
  • Yuen, R.K.C. et al. (2017). Whole genome sequencing resource identifies 18 new candidate genes for autism spectrum disorder. Nature Neuroscience.
  • Pellicano, L., & Stears, M. (2011). Bridging autism, science and society: moving toward an ethically informed approach to autism research. Neuroethics.

Rien sur nous, sans nous.

#boycottcohortemarianne

Partagez!