Traduction du blog de Ido Keddar “A challenge to Autism professionnals” par les bénévoles du Pôle Contributions.
Les théories concernant l’autisme ont été construites à partir de l’observation de nos comportement étranges. On nous diagnostique avec ces listes de comportements.
Je ne suis pas complétement indépendant et ne peut complètement m’occuper de moi-même. Il m’est difficile de maintenir le contact visuel. J’ai du mal à manifester une réaction émotionnelle extérieure. Je ne peux pas exprimer mes idées verbalement. J’ai une mauvaise motricité fine. J’ai du mal à initier des tâches. J’ai une capacité motrice globale altérée.
J’ai des difficultés à contrôler mes émotions intenses. J’ai des défis en termes de contrôle de mes impulsions et des comportements d’autostimulation.
Pfiou. Quand j’écris cela, ça a l’air vraiment grave mais je fonctionne de façon adéquate dans le monde. J’ai maintenant 17 ans et je suis un élève de lycée ordinaire à plein temps. J’ai la mention très bien en chimie, en histoire des Etats-Unis et en anglais. Je fais de l’algèbre avancée, de l’espagnol et de la science animale. Je n’ai que des A. Je fais du sport deux à trois fois par semaine avec un entraîneur pour me remettre en forme. Je joue du piano. Je randonne, cuisine et aide à prendre soin d’un cheval. Je suis invité pour parler dans des universités et des organismes liés à l’autisme. Je suis l’auteur de Ido in Autismland et un bloggeur. J’ai des amis.
Je ne dis pas ça pour me vanter mais pour vous montrer que les gens comme moi, avec un autisme dit sévère, qui se comportent bizarrement et ne peuvent pas parler, n’en sont pas moins des êtres humains, au contraire de la suggestion du docteur Lovaas, et ne sont pas condamnés à vivre des vies remplies d’informations rudimentaires et d’isolement ennuyeux.
« Ce sont des personnes d’un point de vue physique – ils ont des cheveux, un nez et une bouche – mais pas d’un point de vue psychologique » dit le défunt Ivar Lovaas, chercheur de l’UCLA, en 1974 alors qu’il était interviewé par Psychology Today)
Je communique en écrivant sur Ipad grâce à une application qui me sert à la fois pour la prévision de mots et pour générer une voix de synthèse. Je communique aussi tout simplement en pointant des lettres sur un tableau. Si on ne m’avait pas appris à pointer des lettres ou à taper sans support tactile, beaucoup de gens n’auraient jamais réalisé que mon intellect était intact.
Mon enfance n’a pas été facile parce que je n’avais absolument aucun moyen de communication, malgré mes 40 heures par semaine de thérapie ABA intensive. Je pointais des cartes de communication et je touchais mon nez mais je n’avais aucun moyen de transmettre que je pensais de façon profonde, que je comprenais tout mais que j’étais bloqué à l’intérieur. Des données méticuleusement récoltées montraient mes réponses fausses dans les exercices avec des cartes, mais la limite se trouve ici dans les interprétations.
Mes erreurs étaient pour mes instructeurs des preuves de mon manque de compréhension ou d’intelligence, et nous faisons donc les mêmes ennuyeuses leçons pour tout petit, année après année. Comme je rêvais alors d’être capable de communiquer la vérité à mes instructeurs mais aussi à ma famille ! Mais je n’avais aucun moyen d’exprimer mes idées. Tout ce qu’ils me permirent fut la capacité à demander de la nourriture et à exprimer des besoins basiques.
Voilà ce que je leur aurais dit quand j’étais petit si j’avais pu. Mon esprit n’a pas le contrôle complet sur mon corps. Je connais la bonne réponse à ces cartes captivantes, malheureusement ma main n’est pas non plus entièrement sous mon contrôle.
Mon corps ignore souvent mes pensées. Je regarde mes cartes. Vous me demandez de toucher ‘arbre’ par exemple, et malgré le fait que je peux clairement différencier un arbre d’une maison, d’un garçon ou de n’importe quelle carte que vous avez déployé, ma main ne m’obéit pas constamment.
Mon esprit hurle « Ne touche pas la maison ! », ma main va vers la maison. Vos notes disent « Ido est frustré pendant la session d’aujourd’hui ». Oui, de la frustration survient souvent quand tu ne peux pas montrer ton intelligence et que des forces neurologiques entravent la communication entre le corps et l’esprit et que des experts concluent alors que tu ne traites pas cognitivement le langage humain.
Pendant mon enfance, j’eus peur de rester coincé pour toujours dans ce piège horrible, mais je fus véritablement chanceux d’en être libéré à 7 ans quand ma mère se rendit compte que mon intellect était intact et que mes deux parents cherchèrent un moyen de m’aider à communiquer sans support tactile.
Des centaines de personnes autistes comme moi vivent une vie d’isolation et de solitude, se voient refuser une éducation, sont condamnés au langage de bébé et aux « tape m’en cinq » et ne seront jamais capables d’exprimer une seule pensée. Le prix à payer de partir du principe que les personnes autistes non-verbales ont une capacité de penser altérée est haut pour les familles et pour les personnes qui vivent en cellule d’isolement dans leur propre corps. Il est grand temps que les professionnels revoient leurs théories.
Ido Keddar