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Sous un double arc-en-ciel : Autisme et LGBTIQA+

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Il y a 10 ans, j’ai voulu écrire un article à propos de l’autisme et des questions de genre pour une conférence sur le genre et la sexualité dans laquelle j’étais intervenu. J’ai commencé des recherches, puis je suis tombé en dépression après avoir réalisé à quel point il y avait peu de ressources disponibles, et constaté que les recherches à propos de l’autisme et du genre étaient de mauvaise qualité et niaient la réalité des personnes concernées. Les journaux médicaux parlaient des enfants transgenres et autistes comme si leurs questionnements de genre étaient des délires, de simples symptômes de leur autisme. Je n’ai jamais écrit cet article.

Aujourd’hui, non seulement il y a de bonnes informations sur l’autisme qui sont disponibles, mais le concept de “double arc-en-ciel” pour désigner ceux qui sont à la fois autistes et LGBTQIA+* commence tout juste à être mieux accepté et compris. Nous avons un long chemin à faire, mais les gens commencent à comprendre que l’autisme ne garantit pas l’asexualité et que l’identité des personnes autistes n’est pas toujours hétérosexuelle et cisgenre**.

En effet, il y a même une association, Twainbow, fondée par Louis Molnár en 2015. Molnár a été diagnostiqué Asperger en 2013, et a remarqué le manque de ressources sur les personnes “doubles arc-en-ciel”, et les similitudes entre faire son coming-out out en tant qu’homme gay et faire son coming-out out en tant qu’autiste.

Écrivant dans The Advocate, Molnár a déclaré :

“Pendant de nombreuses décennies, on a rejeté la faute sur à peu près tout : de la mauvaise parentalité aux vaccins. Les personnes homosexuelles étaient soumises aux thérapies de conversion comportementales, aux injections, aux coups, à l’élimination de causes imaginaires, et à une pression sociale pour chasser le gay en eux. Toutes ces choses arrivent actuellement dans le monde de l’autisme.”

The Advocate, Louis Molnár

Steve Silberman, auteur du best-seller sur l’histoire de l’autisme et de la neurodiversité NeuroTribus, a parlé de Twainbow, en disant : “Toutes les associations qui luttent pour les droits civils des personnes LGBT+ sur le spectre, sensibilisent aux défis particuliers et aux joies de vivre en tant que double arc-en-ciel, favorisent la fierté et la confiance en soi, construisent des liens et condamnent le harcèlement, le capacitisme systémique [c’est-à-dire la discrimination des personnes en situation de handicap] et l’homophobie font un travail vraiment important”. Silberman a raison : reconnaître, comprendre et soutenir notre “double arc-en-ciel” est une partie cruciale de l’acceptation de l’autisme et de l’éducation des enfants autistes, pour qu’ils deviennent des adultes heureux, en bonne santé, épanouis…et autistes. 

Si vous êtes une personne autiste qui vit sous le “double arc-en-ciel”, réjouissez-vous ! Vous n’êtes pas seul.e.s ! Molnár estime que plus de cinq millions de personnes à travers le monde sont des “doubles arcs-en-ciel”. Je ne serais pas surpris que l’estimation de Molnár soit bien en-deçà de la réalité. L’année dernière, j’ai fait une recherche bibliographique et une analyse des recherches sur l’autisme et la variance de genre, et j’ai découvert que les personnes reçues dans les cliniques du genre sont dix fois plus susceptibles d’être diagnostiquées ou diagnosticables avec autisme que la population générale. Additionnellement, les personnes autistes sont sept fois plus susceptibles d’avoir un genre variant par rapport à la population générale. Et ces chiffres ne concernent que les questions de genre, indépendamment des orientations sexuelles.

Si vous êtes parent d’une personne autiste qui est ou peut être un double arc-en-ciel, vous êtes probablement préoccupé. Soit vous vous inquiétez pour votre enfant ou pour vous-même (ou les deux). Vous pouvez être inquiet que votre enfant fasse déjà face à beaucoup trop de stigmates et de discriminations dûs au fait d’être autiste et que le fait d’avoir une sexualité ou un genre non-commun fera que la vie sera plus dure pour ellui. Vous pourriez également être aux prises avec des inquiétudes concernant les attitudes de la famille élargie ou des membres religieux de votre famille. Vous pourriez également vous inquiéter à propos de votre capacité d’éduquer un enfant qui sera à votre image.. Si vous n’êtes pas autiste et que vous êtes hétérosexuel.le et cisgenre, vous pourriez être inquiet à propos de votre capacité à soutenir et encadrer un enfant dont les expériences de vies seraient très différentes des vôtres.


En ce qui concerne les craintes de stigmatisation et d’ostracisation de la part de la société, de la famille, de l’école, de l’église, etc., je recommande de trouver d’autres parents dans votre situation pour partager des espoirs et des peurs, des conseils et des idées. Cependant il n’y a pas encore beaucoup d’associations qui soutiennent les doubles arc-en-ciel et nos familles. Si vous êtes aux Etats-Unis, vous pouvez rencontrer d’autres parents d’enfants LGBTQIA+ dans votre groupe local du PFLAG (Parents and Friends of Lesbians and Gays – Parents et Ami.e.s de Lesbiennes et Gays). Bien sûr ces parents ne connaissent peut-être pas les besoins des doubles arcs-en-ciel comme votre enfant, mais iels sont de bonnes personnes avec qui parler sur les questions de droits, sécurité, stigmatisation, etc.

Quelques autres associations qui peuvent vous aider vous et votre enfant sont, parmi d’autres : True Colors, GLSEN (Gay, Lesbian & Straight Education Network), et Queerability aux Etats-Unis ; Stonewall, Mermaids et Gendered Intelligence aux Royaume-Uni ; et Minus18 en Australie.

D’autres choses importantes à se rappeler en tant que parent d’un double arc-en-ciel ou potentiel double arc-en-ciel :

  • Soyez à l’écoute de votre enfant, même quand les sujets sont difficiles. Les intérêts LGBTQIA+ peuvent indiquer quelque chose à propos de l’identité de votre enfant… ou pas. Écoutez sans jugement, et laissez votre enfant guider la conversation. Posez des questions qui montrent votre intérêt mais, dans tous les cas, essayez de ne pas en tirer des conclusions hâtives sur votre enfant.
  • Soyez prêts à entendre des mots qui seront difficiles à digérer, à accepter ou à comprendre. Votre enfant peut utiliser des mots qui vont vous mettre mal à l’aise comme “queer”, ou même des mots qui sont considérés comme des insultes pour certaines personnes, comme “pédé”, “gouines”… Si votre enfant s’identifie à un mot difficile, demandez-lui si vous devriez également utiliser ce mot ou si votre enfant veut que vous utilisiez un mot différent. Parfois, des groupes minoritaires se réapproprient le langage pour leur propre utilisation mais ne souhaitent pas qu’une personne qui n’est pas membre de cette minorité utilise ces mots. Même si les mots vous mettent mal à l’aise, efforcez-vous de ne pas porter de jugement dans vos questions et commentaires.
  • Votre enfant peut avoir besoin de soutien sur le genre et la sexualité à l’école. Cela peut inclure des toilettes mixtes, un changement d’uniforme ou des débats sur les changements de vêtements, des histoires sociales portant sur les questions de genre et/ou la sexualité, une formation de l’équipe éducative, etc. Joe Butler donne plus de détails sur certains de ces points dans l’article Supporting Trans and Gender Questing Autistic Pupils.
  • Cherchez du soutien de pairs et de mentors qui sont aussi double arc-en-ciel dans le mesure du possible. En plus de certaines des associations ou structures régionales énumérées ci-dessus, vous pouvez consulter les auteurs suivants (liste non exhaustive) : Caroline Narby et sa série Double Rainbow ; La Doctoresse Dawn Prince-Hughes qui écrit dans ses mémoires sur la vie de lesbienne autiste ; John Scott Holman, un homme autiste gay maintenant décédé qui a écrit avec franchise sur ses luttes contre la dépendance ainsi que sur les défis et les joies d’être un double arc-en-ciel ; Lydia X. Z. Brown, militant.e genderqueer et étudiant.e en droit ; Wenn Lawson, qui a écrit pendant des années sur la vie de lesbienne autiste avant de faire son coming out transgenre.
  • Soyez prêt à apprendre. Vous pouvez ne pas être au courant, par exemple que certaines personnes transgenres sont non-binaires, ce qui veut dire qu’iels ne s’identifient ni comme homme ni comme femme. Certaines personnes transgenres ne cherchent pas à faire de transition médicale sur leurs corps. Certaines personnes ont une identité différente sur leur sexualité et leurs intérêts romantiques, ce qui mène à des combinaisons comme “asexuel.le et homoromantique”. Si vous n’avez jamais appris grand-chose au-delà de gay/lesbienne/hétérosexuel.le/transgenre, soyez prêt à être un petit peu dépassés par les informations et les options disponibles. Vous aurez besoin d’au moins une compréhension de surface pour aider votre enfant à comprendre où il se situe dans tous les domaines du genre, de la sexualité et des relations.
  • Vous n’avez pas besoin que je vous le dise, mais je termine quand même les conseils avec celui-ci, car c’est si important : aimez votre enfant. Vous savez déjà, ayant un enfant autiste, que la parentalité ne garantit pas le genre de famille que vous créerez au final. Il y a de fortes chances que vous ne vous attendiez pas à un enfant autiste, mais vous l’aimez tellement et ne l’effaceriez jamais pour essayer d’obtenir un enfant non autiste à la place. Amenez cet amour et cette acceptation avec vous lorsque vous aidez votre enfant à comprendre son sexe et sa sexualité. Peut-être que votre enfant est cisgenre et hétérosexuel. Peut-être pas. Nous sommes tellement nombreux.ses à être LGBTQIA + que vous servez l’intérêt supérieur de votre enfant en supposant qu’il pourrait s’avérer s’identifier à une des identités représentées dans cet acronyme, au cas où ce serait le cas. Si votre enfant s’avérait être un double arc-en-ciel (ou même un triple arc-en-ciel comme moi : autiste, transgenre et gay), mieux vaut être prêt à être là pour lui, en lui offrant le même amour et les mêmes conseils que vous avez offerts à chaque fois qu’iel en a eu besoin tout au long de sa belle vie.

Article écrit par Shannon Des Roches Rosa et traduit par Tarja Fauvet et le Pôle Contributions de CLE Autistes, il est disponible en version originale sur le site http://www.thinkingautismguide.com/2017/11/under-double-rainbow-autism-and-lgbtqia.html

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*LGBTQIA+ est un acronyme qui signifie : Lesbienne, Gay, Bisexuel.le, Transgenre, Queer, Intersexe, Asexuel.le, et d’autres noms non spécifiés, laissant place à une meilleure compréhension future des identités sexuelles et de genre non traditionnelles.

**Cisgenre ou “cis” est un mot qui identifie une personne qui est du même genre que celui qui lui a été assigné à la naissance par les gens qui ont vu ses parties génitales et ont déclaré avec enthousiasme : “C’est un garçon !” ou “C’est une fille !”. Si cette présomption est confirmée quand l’enfant grandit, alors cette personne est cisgenre plutôt que transgenre.

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