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Brochure du GNCRA : cachez ces demandes de diagnostic que je ne saurais voir

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A croire la dernière brochure d’orientation au diagnostic, éditée par le GNCRA : une petite musique commence lentement à se faire entendre au sein des professionnels de l’autisme français. Il y aurait trop de gens se présentant dans les Centres Ressources Autisme (CRA) en croyant qu’ils sont autistes et plus de 50% se tromperaient!

Il est pourtant logique d’avoir ces taux pour un diagnostic qui ne touche qu’entre 1 et 2% de la population, mais on peut aussi se demander combien ça représente au total. 7 000 autistes seraient en attente dans une zone urbaine. Cela ferait en tout moins de 100 000 personnes alors qu’il y aurait 500 000 adultes dans la fourchette basse et presque 1 million dans la fourchette haute si on compte la prévalence.

Selon la Cour des comptes, 80 000 autistes étaient diagnostiqués en 2018. Selon Santé publique France, 0,18% des enfants jusqu’à 9 ans étaient autistes, cette prévalence est quasi celle de 1981 au Royaume-Uni ! Avec une moyenne de 2 ans d’attente le CRA ne peut pas déjà prétendre qu’il ferait le maximum. Les professionnels et les médecins français ne peuvent pas raisonnablement croire qu’il y aurait déjà assez d’autistes diagnostiqués, pas avec ce retard structurel et cet intérêt récent pour l’autisme.

Extrait de la brochure du GNCRA : il y fait mention qu’il y aurait trop de personnes demandant un diagnostic d’autisme… C’est à la mode n’est ce pas? 1% rare? Vraiment?

Une rédaction manquant de diversité

Le manque de sociologie et de prise en compte de la diversité de personnes autistes est évidente dans ce document du GNCRA. La majorité des rédacteurs de la brochure sont des médecins hospitaliers et il n’y a pas d’autres disciplines. C’est un problème quand on édite une communication à destination d’un public de tous les milieux sociaux. Au vu de la formulation on y flaire une certaine condescendance envers les patients, un refus de croire leurs symptômes qui est si caractéristique de l’institution médicale. 

Les médecins ne sont pas formés aux sciences sociales et sont issus pour la majorité d’entre eux des classes supérieures. On peut donc comprendre qu’ils ne puissent pas penser que tout le monde ne peut pas accéder au libéral pour de multiples raisons. On peut aussi comprendre qu’ils nient les discriminations médicales en fonction du genre, de la race, de la classe, de l’apparence physique, de la géographie et de la validité.

Il n’y a quasi aucun professionnel en première ligne qui est formé et les CMP sont en retard sur le diagnostic d’autisme comme chacun sait. La majorité des professionnels que conseille CLE Autistes sont des psychiatres exerçant en libéral et qui doivent déléguer les tests officiels et standardisés à des neuropsychologues, non remboursés.

Les sommes déboursées sont inaccessibles pour la majorité des autistes, dont la situation de handicap de toute façon, les conduit à être précaires et sans emploi dans la majorité des cas. On ne devient pas autiste avec un diagnostic officiel, on vit au préalable une expérience sociale de handicap et de discriminations qui est la réalité pour nombre d’entre nous. 

Sur la complexité des diagnostics

Le CRA assure ne diagnostiquer que les cas les plus complexes : ce qui est vrai selon la loi. Oui sauf que pour nous, complexe signifie des personnes qui ont beaucoup de conditions associées, ou bien qui accumulent un parcours psychiatrique et social difficile ou bien qui sont plus âgés avec un masquage des symptômes. Ce masquage existe et commence à être quantifié dans la recherche.

Les personnes autistes subissent un haut niveau de stress par un environnement social et physique inadapté à leurs particularités, elles sont plus sujettes aux maltraitances, à des besoins non-pourvus, à des agressions physiques et sexuelles. 

Il est fort probable que des personnes autistes aient des troubles psychologiques à l’âge adulte et de nombreuses conditions associées. Il n’est donc pas étonnant que ces personnes puissent avoir de multiples conditions. On peut subir l’isolement ou de l’anxiété, avoir un stress post-traumatique ET être autiste. 

Le biais de genre est aussi flagrant car les femmes autistes se voient affubler de troubles psychologiques comme le trouble borderline ou bipolaire sans avoir de bases réelles. Ces diagnostics d’origine sexiste sont genrés et touchent plus les femmes comme l’hystérie par le passé. Ils peuvent conduire à une prise en charge psychiatrique violente et inadaptée pour la personne. 

Il y a donc un risque non négligeable à prôner d’autres professionnels non formés en première et deuxième ligne comme le font les médecins du GNCRA. Ce risque c’est celui de se voir affubler des diagnostics pas plus adaptés que celui d’autisme. Dans une thèse du CRA de Lille, on peut lire des diagnostics de type “hystérie” ou “personnalité histrionique” assignés à des femmes se pensant autistes.

Pouvoir psychiatrique et monopole du diagnostic

D’ailleurs, si ces diagnostics sont plus acceptés que celui d’autisme c’est uniquement parce que c’est donné par un psychiatre qui détient ce pouvoir. Décider de se pair-diagnostiquer ou de s’auto-diagnostiquer c’est remettre en cause fondamentalement le pouvoir psychiatrique qui décide de manière arbitraire les frontières entre les différents diagnostics. 

De façon pragmatique – puisque tant que le système validiste persistera nous aurons besoin d’aide pour survivre – CLE autistes soutient qu’il soit nécessaire d’avoir une équipe pluridisciplinaire en cas de multiples conditions. Seuls les CRA peuvent fournir de multiples compétences pour diagnostiquer l’autisme et des conditions psychologiques complexes pouvant masquer l’autisme. Il n’est pas possible d’avoir ces compétences pour l’instant en libéral et à un faible coût financier. La psychiatrie de secteur est de plus en plus abandonnée et les CMP ne disposent pas des ressources suffisantes pour recevoir les personnes et éventuellement soulager de nombreuses difficultés. 

Mais CLE Autistes soutient aussi le pair-diagnostic et l’auto-diagnostic permettant à des personnes concernées de solliciter de l’aide et du soutien dans des groupes de pairs; dans les groupes d’entraide mutuelle à un faible coût et avec des solutions souvent correspondant à des symptômes (fonctions exécutives, planification, stims, problèmes sensoriels) et non au diagnostic d’autisme. Ces personnes sont parfaitement grandes pour se rendre compte si ces discussions et ces solutions conviennent à leurs difficultés spécifiques. Elles sont légitimes à demander un diagnostic de confirmation afin de solliciter des aides administratives pour juste survivre*. 

Cette brochure est donc paternaliste, condescendante et méprisante pour les parcours des personnes  adultes qui se posent des questions sur eux-mêmes, ne bénéficient pas de services de santé mentale et de suivi dignes de ce nom et qui n’ont pas le même accès aux ressources médicales. 

Si les CRA sont des missions de service public ils doivent s’adresser à tous, disposer de plus de moyens conséquents et ne pas chercher à dissuader les personnes qui seront refoulées dans les premières lignes prônées.


*Mais puisque le GNCRA ne veut pas trop d’autistes, et bien sachez que vous pouvez demander des aides à la MDPH sans avoir de diagnostic ! Ces discussions peuvent également servir à ça.

Comment faire sur ce lien : https://blogs.mediapart.fr/jean-vincot/blog/310117/obtenir-des-moyens-de-compensation-avant-le-diagnostic-de-ted

 

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