Le Grand oral du bac 2021 : une mécanique d’exclusion des étudiants autistes

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Extrait du grand oral du rapport de Cyril Delhay, on peut voir plusieurs critères d’évaluation de ce grand oral. Le ministère assure que ce n’est pas encore défini, mais il y a les mêmes critères d’oraux classiques. Instituer une telle épreuve qui prend une plus grande part de l’évaluation ne fera que renforcer et perpétuer les inégalités sociales dont le handicap fait parti.

Faire du grand oral un levier d’égalité des chances » : c’est par ce titre que débute le rapport de Cyril Delhay, professeur d’art oratoire à Sciences Po, consacré à la réforme du baccalauréat pour 2021.

En fin de document, page 47, nous sommes informés que « Ce rapport est le fruit de l’intelligence collective »… Une « intelligence collective » qui a oublié, dans son court chapitre consacré au handicap, de prendre en compte 1 % (statistiquement) de potentiels étudiants autistes, proposant un grand levier pour leur exclusion des études post-bac. Car la grille d’évaluation proposée par Cyril Delhay est totalement discriminatoire envers les étudiants autistes, en particulier non-oralisants, mais aussi oralisants (de même qu’elle le sera envers les personnes ayant un accent régional, issues de cultures autres que françaises, et issues des classes sociales pauvres).

Voici sur quoi Cyril Delhay et « l’intelligence collective » qu’il a mobilisée propose d’évaluer les futurs bacheliers :

  • Entrée en scène : Prise de contact par le regard avec l’espace et l’auditoire ; captation de bienveillance ; bonne première impression
  • Disponibilité corporelle : Engagement du corps ; détente des épaules ; respiration, disponible et tonique,
  • Gestuelle : Conscience, maîtrise, précision, coordination physique.
  • Regard : Interaction par le regard avec le jury.
  • Maîtrise du non-verbal et capacité d’adaptation.
  • Maîtrise de la voix : timbre, modulation, rythme, nuance, clarté…
  • Charisme

Un court chapitre est consacré (page 19) aux étudiants en situation de handicap. Les spécificités des étudiants autistes sont complètement oubliées : « Contrairement à une idée reçue, l’enseignement de l’oral auprès des personnes en situation de handicap physique ou mental est souvent des plus pertinents dans un chemin de progression. Les interactions permises par l’oral sont par nature ouvertes et susceptibles de s’adapter à la variété des profils et des parcours ».

Rappelons à monsieur Delhay et à son « intelligence collective » que des milliers d’étudiants autistes non-oralisants goûteront difficilement à ce prétendu « chemin de progression » soi-disant permis par l’oral! Et que par définition, une personne autiste non-oralisante ne peut s’adapter à une telle grille d’évaluation ! En 2017, Nicolas, membre du CLE et étudiant autiste non-oralisant, a obtenu son baccalauréat scientifique grâce à des aménagements adaptés à son handicap : Comment aurait-il fait avec une évaluation, basée non pas sur ses connaissances, mais sur la « maîtrise de la voix » ?

Laissons la parole au spécialiste Cyril Delhay : « des élèves au profil particulier intégrés à l’école trouveront avec profit dans la pratique de l’oral un contexte favorable pour affermir leur place dans le groupe »… Sans commentaires.

Le rapport propose tout de même la prise en compte de la langue des signes, dont l’enseignement aux étudiants autistes non-oralisants reste trop rarement proposé, en plus d’être sur de nombreux points non-pertinent. Il n’y a par exemple pas mention de la communication alternative et augmentée permettant de compléter ou de remplacer le discours par une synthèse vocale.

Quant à nous autres personnes autistes oralisantes (et non diagnostiquées sans possibilité d’aménagements), la grille d’évaluation constituera un critère d’exclusion sur la base, non plus de nos connaissances, mais de la maîtrise de compétences sociales, ce alors que notre exclusion des parcours d’enseignement supérieur est déjà forte.

Autant signaler d’emblée que vous ne voulez plus voir aucun autiste post-bac. A l’heure où la France a fait l’objet de quatre condamnations successives, notamment pour exclusion des élèves autistes du parcours scolaire « ordinaire », cette proposition de « grand oral » vient renforcer l’exclusion actuelle et perpétue les inégalités sociales .

C’est inacceptable, et nous n’entendons pas nous laisser faire. Ce document est d’ores est déjà dénoncé auprès de l’ONU.

Lien vers le rapport : https://cache.media.education.gouv.fr/file/Bac_2021/82/3/rapport_grand-oral-cyril-delhay_1145823.pdf

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