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Salle time out (ou salle zen/de retrait) en institution spécialisée.

Les salles “zen” et l’hypostimulation : une grave maltraitance

  • Temps de lecture :8 min de lecture

Cet article est extrait en parti de la lettre de l’association CLE Autistes au juge des Tutelles du Tribunal de Lyon, le 17 janvier 2022. Cette lettre contredisait l’expertise psychiatrique du médecin exerçant à l’hôpital du Vinatier de T., autiste sous tutelle et enfermé à la MAS Chapuis de Lyon.

La pratique d’hypostimulation est prescrite dans de nombreuses institutions spécialisées et en psychiatrie (salle zen, salle de retrait) et a été défendu par le Centre Ressources Nord Pas de Calais ou la Certification qualité Handéo.

L’hypostimulation est dispositif de soin défini par une rupture de l’environnement physique et social habituel lorsqu’il n’y a plus de solutions à son apaisement en raison d’une surcharge sensorielle. Cela résulte en une privation de stimulations au sein d’une salle d’isolement ou de retrait [1].

Pour les personnes autistes : le terme hyposensible signifie “recherche de sensations” pour pouvoir se sentir ancré dans la réalité, repérer les limites de son corps.

Par opposition, hypersensible signifie éviter et fuir les stimulations et sensations. 

Les personnes autistes ont besoin de stimulation intellectuelle, émotionnelle, sensorielle et d’une vie sociale, même si ça ne ressemble pas aux besoins de personnes neurotypiques/non-autistes.

Il faut définir et respecter ces besoins, ils sont souvent diverses et peuvent être opposés. Même si la vie d’un autiste ne ressemble pas à celle d’une personne neurotypique, nous sommes des personnes et nous avons des besoins de bases qui restent les mêmes. Ne pas les fournir est déshumanisant et participe au mal-être des autistes.

Priver de sensations ne peut fonctionner dans tous les cas : 

  • Si la personne est hyposensible : elle a besoin d’être stimulée. Ce sera une privation de l’effectuer et cela va générer du stress, aggraver la détresse psychique et produire des comportements problèmes comme les troubles du comportement ou les auto-mutilations observées. Il s’agit de privation de droits humains et de graves maltraitances, voire de la torture, dans ce cas.
  • Si la personne est hypersensible : elle peut avoir besoin de se reposer, de dormir ou de faire une activité qui lui plait et qui est calmante. Une pièce sans rien dedans, sans objets, sans lit, sans musique ne peut pas convenir.

De plus, quelque soit l’origine des sensorialités, ça ne peut pas convenir car les personnes autistes sont hyposensibles et hypersensibles à la fois du coup selon le sens (ouïe, toucher, vue, goût, odorat, température, équilibre, interoception, proprioception, etc) et que ça peut changer selon les circonstances.

On peut par exemple être sensible au brouhaha et aux bruits sourds mais stimulée par une seule musique intense. 

Cela dépend aussi des périodes, de la fatigue, des autres activités dans la journée et du coup on ne peut pas proposer une telle solution dans tous les cas.

Si la personne autiste s’automutile à la suite de cette pratique c’est un indice d’hyposensibilité, et la l’hypostimulation est terrible dans ce cas de manière directe, cela va à l’encontre de son fonctionnement cognitif. 

Si on trouve que ce n’est pas une bonne chose pour une personne neurotypique qui va mal psychiquement, on ne doit pas le proposer pour une personne autiste pour faciliter la prise en charge pour les soignants….  Il faut des activités, un environnement sécurisant, confortable et calme.

En contexte non-institutionnel : on choisit si on veut s’apaiser

Une telle salle pourrait avoir son intérêt hors d’un contexte ségrégué où l’objectif sert la punition et la soumission des résidents à l’autorité d’une structure médico-sociale et psychiatrique. Il faudrait alors :

  • Définir ses besoins et mettre un consentement : pouvoir sortir à sa guise et quand la personne souhaite s’isoler parce que trop de stimulis. 
  • Avoir une salle offrant des stimulations et des activités, ou à l’inverse ce qui est calmant/apaisant pour la personne. On peut s’inspirer de salle sensorielle de type snoezelen ou Montessori: stimstoys présents dans la pièce, lumières colorées et objets non dangereux permettant de générer des sensations et stimulations (bruit, texture, lumière, couleurs), nounours lesté, plaids lestés douces avec des choses à toucher.
  • Autscape est un évènement anglais créé par les autistes de différents profils et dans cette salle, ça fonctionne. CLE Autistes promeut les salles Snoezelen dans les universités.
  • Le retrait forcé pour s’apaiser n’est pas non plus acceptable. La présence de ces salles ne doit pas empêcher de concevoir un environnement et une organisation accessible avec le moins de stimulations possibles (bruit, lumière, rythme, pauses etc).

Autonomie et projet d’établissement

Le CRA Nord-Pas-de-Calais parle de projet d’établissement. Si ces salles étaient vraiment conformes à un projet d’établissement axé sur l’autonomie (très discutable), elles développeraient les choix l’autodétermination de la personne en proposant des activités comme des lumières réglables, de la musique à sa guise. Elle se serviraient également des intérêts calmants pour développer des métiers et des occupations. 

Ces salles sont aussi soutenues par la certification Handéo, une certification de qualité selon Autisme France et d’autres associations de l’autisme. On y retrouve la fondation OVE, gestionnaire de la MAS Chapuis, adepte de ce genre de pratique.

[1] L’hypostimulation sensorielle, Centre Ressource Autisme Nord-Pas-de-Calais : https://www.cra-npdc.fr/wp-content/uploads/2014/06/HYPOSTIMULATION_SENSORIELLE_200514.pdf

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