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Qu’est-ce que la Neurodiversité ? 

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Article original de Autistic Future traduit par Tarja Fauvet, Eden Louvet et le Pôle Contributions.

Les sophismes d’épouvantail rhétorique contre la neurodiversité sont revenus à la mode, comme une terrible tendance revenue d’entre les bacs des friperies.

Certaines personnes tentent à nouveau de clamer la “dure vérité” selon laquelle le concept de neurodiversité ne fonctionne pas, ne peut pas fonctionner. S’il n’est pas clair parmi ces individus lesquels d’entre eux surfent juste sur la vague de la critique facile car c’est “avant-gardiste”, il est cependant limpide qu’ils ne s’engagent pas dans ce débat avec la bonne foi nécessaire à l’affirmation des idées de chacun par le biais des processus de pression et de responsabilité qu’impliquent l’existence d’un point de vue opposé.

Ces gens créent de toute pièce des épouvantails leur servant d’excuse pour mal représenter ce qu’est la neurodiversité et la mettre ainsi à l’épreuve. Ceci est un problème pour toutes les personnes s’identifiant aux idéaux du Mouvement pour la Neurodiversité, parce que les néophytes s’étant tout juste familiarisés avec les concepts d’autisme, de handicap et de neurodiversité et leurs enjeux sont susceptibles de ne pas se saisir de ces derniers si la première représentation de la neurodiversité qu’iels rencontrent n’est qu’un épouvantail de ce qu’elle est réellement. Les partisan-es de la neurodiversité ont repoussé ces attaques, mais ces débats s’orientent inévitablement vers ce que la neurodiversité n’est pas. Même si faire face à des gens qui dénaturent le concept de neurodiversité est important, on ne peut espérer de quiconque d’adhérer à ce que notre idéologie n’est pas. C’est pourquoi il est important de réitérer ce que signifie réellement le concept de neurodiversité. 

La Neurodiversité commence par partir du principe que les êtres humains sont des personnes. Que tout le monde a les mêmes droits fondamentaux. Partir du principe que tout le monde est sujet à un éventail de besoins et de désirs, concernant des choses telles que le sentiment d’appartenance et d’autonomie corporelle, qui sont pratiquement universelles à moins que l’individu en question n’en ait spécifié autrement. 

Il n’y a pas d’exception qui tiendrait compte de la catégorie, du degré de QI ou du niveau d’accompagnement à apporter. Pour le moment, il n’y a aucun remède pour la grande majorité des différences neurologiques qui s’écartent assez de la norme pour être considérées comme des handicaps. Certains autistes, autres personnes handicapées, parents, adelphes, aidant-es et professionnel-les sont heureuxes qu’il n’y ait pas de moyen de prévenir la plupart des différences neurologiques ou de normaliser la plupart des personnes neurodivergentes. D’autres ne le sont pas.

Le partisan moyen de la neurodiversité est opposé à tout type de remède et inquiet des tendances eugénistes de la société, mais avoir une idée précise de ce à quoi ressemblerait un monde idéal n’est pas nécessairement un pré-requis pour trouver de l’utilité au concept de neurodiversité. La seule chose cruciale est d’accepter que les humains ne sont qu’humains ; et qu’on s’en réjouisse, qu’on le déplore ou qu’on soit ambivalent à propos de ça, le fait est qu’il n’existe aucun remède aujourd’hui.

Faire le jugement de valeur selon lequel il vaut mieux pécher par excès de prudence en traitant chaque humain-e comme une personne, accepter le fait que la médecine n’a pas toutes les réponses à la variété neurologique humaine, et demander comment aider des gens avec un niveau d’accompagnement élevé à exercer leurs droits et à accéder à ce que pratiquement tout le monde chercher à accéder, semble urgent. La neurodiversité n’est pas une idée dont l’utilité est limitée aux gens qui auraient un “haut niveau de fonctionnement” ou seraient “juste un peu étranges”, parce qu’elle s’adresse intrinsèquement à celleux dont les besoins d’accompagnement sont larges et onéreux pour le futur prévisible, elle demande comment nous pouvons aider ces personnes à construire leur vie de la meilleure manière qu’il soit pour elleux.

La neurodiversité examine chaque idée, outil, solution pratique sur lesquelles elle tombe pour répondre à comment on peut avoir une bonne qualité de vie avec un QI de 30, des difficultés de fonctions exécutives, en étant schizophrène, en n’étant pas une personne oralisante, ou l’ensemble de ces enjeux à la fois.

Là où la médecine sèche, et où les personnes affectées ne recherchent même peut-être pas de “remède”, la neurodiversité puise dans le modèle social du handicap pour offrir quelque chose d’unique : de l’espoir.

Commencez à demander comment aider des personnes avec des handicaps significatifs qui sont en vie aujourd’hui et il devient difficile d’accepter qu’une part disproportionnée de l’argent alloué à la recherche aille vers des modèles de solutions médicales pendant que les aides qui permettraient à ces personnes de mener une meilleure vie sont sous-financées. Dépenser des millions d’euros pour essayer de comprendre comment normaliser les personnes handicapées commence à sembler futile dès lors que l’on rencontre des gens ayant besoin d’un accompagnement extrêmement significatif. 

Rencontrer quelqu’un dont les besoins d’accompagnement et la qualité de vie quotidienne excèdent les nôtres démontre bien l’idée selon laquelle le degré de handicap déterminerait la qualité de vie n’est qu’une hypothèse validiste.

Rencontrez quelqu’un dont la qualité de vie est misérable parce que les accompagnements adaptés ne sont pas disponibles, et l’actuel équilibre des fonds de recherche commence à être ressenti comme un véritable outrage moral. 

La neurodiversité n’est pas un concept réconfortant à destination des personnes prospères qui sont “un petit peu différentes”, mais qui dans l’ensemble s’en sortent bien. C’est au contraire le courage d’entretenir l’idée selon laquelle les personnes avec des incapacités significatives peuvent vivre des vies dignes d’être vécues, et prendre en compte les insoutenables implications de cette idée pour les vies gâchées par le filicide*, l’institutionnalisation, par d’autres formes de regroupements ségréguées, ou même par le faible niveau d’attentes ou l’impuissance apprise et internalisée par lesquelles la collectivité a pu passer. C’est vivre avec l’idée que des vies humaines sont gâchées par cela en ce moment même. La neurodiversité est une idée pour des personnes fortes, puisqu’elle mord et agrippe toustes celleux qui y adhèrent. Il n’y a aucun moyen d’imaginer un monde meilleur sans confronter auparavant à quel point les choses sont dans un état lamentable. Le sentiment d’outrage qui s’ensuit change habituellement le cours de la vie des gens.


Pour beaucoup des autistes adhérents à la neurodiversité les plus conventionnellement prospères, le concept de neurodiversité apporte avec lui l’engagement d’aider les membres de leur communauté à se réaliser dans des parcours de vie joyeux, utiles, orientés vers l’épanouissement et pouvoir ainsi faire l’expérience d’une vie tout aussi riche de variété d’options que le sont celles des personnes non handicapées. Le but final de la neurodiversité est d’accéder à de bonnes vies, dans la variété infinie de ce que ceci peut signifier. Il ne s’agit pas d’augmenter sa confiance en soi ou d’un club d’affinités pour professionnels éduqués qui sont “juste excentriques”. Il s’agit d’un accord de prise de décision supporté solidement, d’amis autistes aux forces et aux faiblesses complémentaires qui s’entraident, d’une personne demandant l’accès à une structure adaptée pour personnes handicapées qui passe le burrito test*, de fonds pour plus et de meilleurs CAA*, d’une éducation sexuelle complète et accessible, de pouvoir embaucher des personnes de soutien qui permettent à des gens présentant un handicap intellectuel à maintenir des relations épanouissantes et s’étendant dans le temps, un sticker de fierté autistique sur une voiture de course, un orthophoniste qui aiderait des adolescents malpolis à dire des jurons de manière appropriée.

La neurodiversité insiste sur le fait que les personnes dont le handicap affecte l’esprit méritent mieux que les termes et misérables vies qu’on leur a octroyé dans le passé, qu’un style de vie qu’aucune personne à qui on aurait présenté de vraies options n’aurait jamais accepté n’est pas bon pour qui que ce soit.

C’est accepter la dure réalité qu’aucun-e de nous ne sera jamais suffisamment sûr-e de notre liberté et de notre sécurité tant que les plus vulnérables d’entre nous le seront aussi.

*Le filicide est une forme d’infanticide visant spécifiquement le handicap

CAA: Communication Alternative Augmentée

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