CLE Autistes salue la décision de l’AP-HP de sanctionner Christian Perronne pour ses propos sur le covid19, mais déplore qu’aucune mesure n’ait été prise lors de la révélation de son implication dans le scandale des traitements Chronimed sur des enfants autistes. Le corporatisme médical et la non-confraternité semblent plus compter que les bases de l’éthique médicale.
Le directeur de Assistance Publique-Hopitaux de Paris Martin Hirsh a mis fin aux fonctions de Christian Perronne le 17 décembre 2020, le chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches. Christian Perronne était accusé d’avoir proféré des propos indignes contre des confrères pendant la crise du covid19. Soutien zélé du professeur Raoult à Marseille, il est aussi présent dans le film complotiste hold up affirmant dénoncer les mensonges des gouvernements sur l’épidémie du coronavirus.
Pourtant, ce n’est pas la première fois que Christian Perronne est indigne des responsabilités et de la fonction qu’il exerce comme médecin chef de service. Christian Perronne est connu du milieu de l’autisme pour ses thèses pseudoscientifiques et dangereuses sur les causes de l’autisme.
Il y a huit ans, un groupe de médecins s’est réuni autour du Prix Nobel Montagnier en prétendant que les enfants autistes pouvaient être guéris grâce à des traitements antibiotiques. Les antibiothérapies étaient vu comme un traitement à la pointe de la recherche scientifique alors même que cette thèse n’a pas pris d’ampleur dans les autres pays occidentaux. Ce courant qu’on peut appeler biomédical dans le vaste domaine des thérapies contre l’autisme est resté minoritaire aux Etats-Unis alors qu’il fut porté par Bernard Rimland, militant chercheur historique qui a dérivé vers ce courant vers la fin de sa carrière.
Ce domaine BioMed pense que l’autisme est d’origine physiologique/infectieuse/immunitaire, en son sein plusieurs tendances peuvent se dessiner de la “recherche protocolisée” à des courants et essais alternatifs.
Christian Perronne, au côté d’autres médecins, certains ayant des responsabilités équivalentes dans les hôpitaux publics français, a participé à la fondation de l’association réunissant des médecins favorables à des traitements antifongiques, antiparasitaires et antibactériens contre l’autisme. Le réseau chronimed était né.
Ces thèses partent du principe que l’autisme est dû à des infections bactériennes (chlamydia, borrelia, mycoplasme entre autres) comme la maladie de Lyme et qu’il suffirait de proposer des traitements antibiotiques contre lui. Des dizaines de molécules peuvent être utilisées sur le long terme ce qui n’est pas sans effets sur la santé des enfants autistes.
Chronimed est typiquement français en impliquant des antibiothérapies contre une cause supposée infectieuse. Mais le courant BioMed étranger (américain) est plus large et implique de la recherche sur l’immunité, la nutrition (vitamines, oxydants,métaux lourds), la physiologie (écotoxicité) ou le microbiote intestinal (Defeat Autism Now (DAN), MAPS proches d’Autism Speaks).
Suzanne Ruhlmann travaille depuis plus de 3 ans sur le sujet en réunissant les preuves de l’implication de ces médecins et de parents dans le développement de ces thérapies. Elle a rapporté qu’un essai thérapeutique « personnel » sur 97 enfants a été réalisé par des membres de Chronimed, parfois sur des enfants de 15 mois. De la chloroquine serait aussi utilisée pour ces traitements, ce qui ne semble pas être une coïncidence au vu des croyances et des soutiens de Christian Perrone. Ces essais étaient donc faits sans l’aval de comités d’éthique, sans protocole cadré et sans être discutés par des pairs ainsi que sans l’autorisation des agences publiques de régulation. Puisque de façon générale on ne s’embarrasse pas du consentement des enfants autistes, pourquoi ne pas violer la loi et l’éthique scientifique lorsqu’il s’agit de leur santé ?
Dernièrement, il a été révélé dans le livre d’Olivia Cattan que certains des ces essais ont eu lieu dans des institutions spécialisées (IME) de certaines associations de parents. Un procès diligenté par Mme Cattan est en cours pour dénoncer ces essais cliniques faits sans aucun protocole cadré et ni autorisation de l’Agence Nationale de sécurité du Médicament. La Fondation Autisme – Agir et Vivre ne cache pas non plus son attrait pour les thèses qui considèrent que les causes de l’autisme sont infectieuses, elle a en effet publié une vidéo à ce sujet et leur soutien à ce type d’approche apparaît également sur leur site. La fondation autisme mentionne clairement le réseau Chronimed et son attrait pour les thèses qui considèrent que les causes de l’autisme sont infectieuses, sa vidéo ci-dessous résume également les domaines de financement pour la recherche.
Cette fondation rappelle son lien avec Marion Leboyer de Fondamental, qui a affirmé au Sénat vouloir financer une étude plus large en se basant sur des données d’un protocole non autorisé. Rappelons nous de quelles pratiques historiquement ont réutilisé des données obtenues dans un cadre non éthique ? L’hôpital de Garches serait aussi impliqué dans cette affaire.
Non seulement ces essais et l’utilisation de leurs données sont contraires à l’éthique scientifique et illégaux, mais en plus ils sont menés sur la base d’un postulat eugéniste, pathologisant et validiste : l’autisme serait une maladie qu’il faudrait guérir et éradiquer. Un des auteurs d’étude sur les infections chez les enfants autistes l’affirme clairement : “il faut chercher toutes les causes de l’autisme pour éradiquer cette maladie de l’humanité”.
Les personnes autistes peuvent vivre des vies épanouissantes à condition d’aménager leur quotidien en écoutant leurs besoins. Il est plus facile et plus sain selon nous de guérir la société du validisme que d’éradiquer l’autisme et la neurodiversité.
CLE Autistes ne peut que saluer la décision de mettre fin aux fonctions de Christian Perrone au vu de son passif, mais regrette que cette décision se base uniquement sur des propos proférés et non des accusations graves de violation des règles de la biomédecine et de l’éthique médicale, menant à un procès en cours.
Nous savons que les standards et l’éthique minimale de la recherche sont très bas lorsqu’il s’agit de personnes autistes en général, mais nous aurions aimé que l’AP-HP s’intéresse à cette affaire impliquant plusieurs de ses hôpitaux publics et de ses responsables. L’accusation de “propos proféré à l’encontre de confrères” n’est qu’une marque de corporatisme médical. Ainsi, l’institution médicale semble plus sensible à ses intérêts qu’à l’éthique médicale ainsi qu’à l’intérêt de ses patients et des personnes concernées.
Certains médecins concernés par cette affaire ont déjà été radiés par le passé, mais d’autres sont toujours en poste et certains sont proches du domaine de l’autisme.
Nous souhaitons que tous les médecins impliqués dans cette affaire soient démis de leurs fonctions le temps de l’enquête. L’Ordre des Médecins devrait également proposer une radiation. Les organismes et associations soupçonnés d’avoir participé à Chronimed devraient être également suspendus dans toutes les instances représentatives des politiques de l’autisme.
Ressources :
Le site et article sur Christian Perronne du blog de Suzanne Rulhmann : https://debatbiomed.science.blog/2020/11/22/christian-perronne-et-ses-croyances-sur-lautisme
Olivia Cattan, “Le livre Noir de l’Autisme”, 2020. Editions Broché